Luc Picard vient de boucler le tournage du film Ésimésac, fruit d'une seconde collaboration avec le conteur Fred Pellerin. Après avoir planché sur l'écriture du scénario, troqué mille fois son chapeau de réalisateur pour le costume de son personnage, voilà qu'il s'enferme en salle de montage pour les mois à venir.

«C'est toujours un moment où on a besoin d'être patient, mais ça se passe bien. Jusqu'à présent, j'aime ce que je vois, mais je touche du bois», lance-t-il à l'autre bout du fil.

Ésimésac s'inscrit dans la continuité de l'oeuvre fantastique et ludique du conteur de Saint-Élie-de-Caxton, mais il sera néanmoins très différent du premier film, Babine. Il a un côté plus tragique, estime Luc Picard.

«Au départ, quand Fred est arrivé avec cette histoire-là, ce qui est venu me chercher, c'est la fin, se remémore le cinéaste. Ça parle du fait que pour s'en sortir, comme société, il faut se tenir les coudes serrés, et que l'individualisme ne mène ni au succès, ni au bonheur.»

Le personnage qui porte l'histoire a donné son nom au film. Ésimésac est celui qui, dans Babine, était depuis 22 ans dans le ventre de sa mère, Mme Gélinas (Marie Brassard).

Même s'il est né avec un handicap - il ne projette pas d'ombre -, il tentera de s'imposer comme l'homme fort du village et fera tout en son pouvoir pour sauver le village de Saint-Élie-de-Caxton et ses habitants, qui crèvent de faim.

«C'est une métaphore sur l'ego, sur le fait de vouloir être un sauveur, mettons. Moi et Fred, on a vraiment de la misère à raconter l'histoire! Pourtant, elle se tient «au boutte'!»

Pour la seconde fois en autant d'occasions, Luc Picard a offert le rôle principal à un jeune comédien peu connu du public. Un choix qui n'est pas délibéré, mais plutôt instinctif, affirme le réalisateur.

«Ce n'est pas un principe. Je me réserve tout le temps l'opportunité d'essayer de trouver quelqu'un qu'on connaît peut-être moins ou pas du tout, mais si ça se trouve qu'une personne qu'on connaît m'inspire et qui semble correspondre au personnage, je ne vais pas m'empêcher non plus.»

Chez Nicola-Frank Vachon, qui a décroché le rôle de l'homme fort du village, ce n'est pas le tonus musculaire qui a attiré son attention, mais plutôt la puissance du regard.

«J'ai opté pour un gars qui a l'air assez pur, explique-t-il. Plus j'avançais dans la distribution, plus je me disais que ça me prenait des yeux vraiment transparents, quelque chose de candide, et je l'ai trouvé avec Nicola.»

Il également recruté une jeune fille qui, à l'époque, n'avait pas encore deux mises en nomination à son actif - une «petite grande actrice», dira-t-il au sujet de Sophie Nélisse, que l'on a vue dans le film Monsieur Lazhar.

«Elle est extraordinaire. Moi, elle me jette à terre, cette petite fille-là. Bon, ils me jettent tous à terre, mais mettons que j'ai un petit coin spécial dans mon coeur pour Sophie», admet-il.

La finaliste des prix Génie et Jutra incarne la petite soeur de Marie, la seule fille de la famille Gélinas, l'un des pivots du long métrage, précise Luc Picard, qui a de nouveau concilié réalisation et interprétation sur le plateau de tournage, comme il l'avait fait dans Babine.

Cela représente évidemment une imposante charge de travail, mais le plaisir qu'en retire le cinéaste compense largement les efforts investis, en plus de lui permettre de poser un regard différent sur son oeuvre.

«C'est con à dire, mais ça me détend un peu! C'est comme si j'arrêtais d'être «coach» et que je sautais sur la glace. En même temps, ça m'aide à être proche des comédiens, parce que je joue avec eux.»

Une rigueur militaire est toutefois de mise pour mener à bon port ce film doté d'un budget de 6,7 millions $.

Et si, à première vue, un tel budget peut sembler assez intéressant pour un film québécois, le cadre financier n'était pas aisé à respecter dans le cas d'Ésimésac, expose Luc Picard. «Il fallait construire un village au complet à l'extérieur, il y a des effets spéciaux et beaucoup de séquences de groupe. Ces séquences-là coûtent cher parce que tous les acteurs sont sur le plateau en même temps.»

Derrière sa lentille, Luc Picard dit rechercher l'honnêteté, la vérité et la simplicité. Et même s'il est moins présent au petit et au grand écran depuis qu'il s'est lancé dans la réalisation, en 2005, avec L'audition, il n'est pas question pour lui de faire une croix sur le jeu.

«J'adore la réalisation, mais mon premier métier, c'est de jouer. Depuis cinq ans, peut-être que les gens me voient plus comme un réalisateur, mais je m'ennuie un peu de jouer des fois. J'ai encore le feu sacré. C'est mon premier amour, je ne perdrai jamais ça.»

La date de sortie en salles du long métrage Ésimésac, coscénarisé par Fred Pellerin et Luc Picard, n'est pas encore fixée, mais le film devrait prendre les salles d'assaut à l'automne si tout se déroule comme prévu.

En attendant, Luc Picard travaillera sur une deuxième version d'un scénario de film sur lequel il planche depuis quelques mois.