La grande fresque Les Adieux à la Reine du Français Benoît Jacquot, ou crépuscule sur Versailles aux portes de la Révolution, devait ouvrir jeudi soir la 62e Berlinale interpellée par les bouleversements politiques.

Pour le directeur du Festival international du film de Berlin, Dieter Kosslick, le film de Jacquot entre en résonance avec les révoltes populaires d'aujourd'hui comme le Printemps arabe ou le mouvement «Occupy» contre les excès du capitalisme.

«Cela fait maintenant un an qu'Hosni Mourabak a été écarté du pouvoir (en Égypte) et je pense que ses 48 dernières heures et celles qu'ont vécu les autres despotes ne devaient pas être différentes de celles de Marie-Antoinette», a-t-il expliqué à la presse.

Comme en écho, le président du jury, le réalisateur britannique Mike Leigh a estimé qu'on «ne peut voir un film et le considérer sérieusement sans tenir compte de son contexte social et environnemental: c'est un tout».

Mike Leigh, venu plusieurs fois en compétition à Berlin et palme d'Or à Cannes en 1996 notamment, a pris acte de ses responsabilités: «Nous savons que nos décisions peuvent affecter le sort d'un film», a-t-il dit, alors que siège notamment à ses côtés le vainqueur de 2011, le cinéaste iranien Asghar Farhadi.

Une Séparation, reparti avec l'Ours d'Or et les prix d'interprétation pour ses acteurs masculins et féminins, avait entamé ici sa carrière internationale qui le mène jusqu'aux Oscars - il est sélectionné pour le meilleur film étranger.

Le jury de la Berlinale compte aussi dans ses rangs les acteurs Jake Gyllenhaal, Charlotte Gainsbourg et Barbara Sukowa, le photographe et réalisateur Anton Corbijn, le cinéaste François Ozon et l'écrivain Boualem Sansal.

Il leur reviendra de juger dès jeudi soir de la prestation de l'actrice allemande Diane Kruger qui prête ses traits diaphanes à Marie-Antoinette, dont on suit les trois derniers jours à la Cour en juillet 1789, au travers de sa jeune liseuse, Léa Seydoux, aperçue l'an passé dans le Midnight in Paris de Woody Allen.

Cette coproduction franco-espagnole tournée à Versailles est l'un des 18 films en compétition pour remporter l'Ours d'or, récompense suprême de la Berlinale: ce rendez-vous, créé par les Alliés en 1951 comme une vitrine de la culture occidentale continue de récompenser souvent des films aux accents politiques ou historiques.

En attendant l'actrice américaine Meryl Streep, qui se verra décerner un Ours d'honneur pour l'ensemble de sa carrière  - son dernier film sur Margaret Thatcher, La dame de fer, sera projeté hors compétition - la famille Jolie-Pitt a déjà pris ses quartiers berlinois sous la neige.

Arrivée mercredi avec ses six enfants - et traquée par les paparazzis - Angelina Jolie présente en sélection officielle (mais hors compétition) son premier film de réalisatrice, In the Land of Blood and Honey, sur l'amour au coeur de la guerre en Bosnie.

La vedette, ambassadrice du Haut commissariat de l'ONU aux réfugiés (HCR) depuis 2001, a également prévu de participer à deux débats samedi et lundi sur les crimes sexuels comme arme de guerre.

L'Ours d'or 2007, Wang Quan'an, sera également en lice avec Bai lu Yuan.

Par ailleurs, pour la première fois depuis plus de dix ans, un film canadien, Rebelle de Kim Nguyen, sera en compétition tandis que l'acteur et réalisateur américain Billy Bob Thornton (Oscar 1997 du meilleur scénario pour son Sling Blade) présentera Jane Mansfield's Car.

De nombreux documentaires sur le printemps arabe ou la catastrophe de Fukushima sont annoncés dans les sections parallèles, ce qui n'empêchera pas le festival de flirter avec la légèreté: l'ex-vampire de Twilight Robert Pattinson sera aussi sur le tapis rouge pour Bel ami, adapté de Maupassant, avec Uma Thurman, Kristin Scott Thomas et Christina Ricci.