L’Ours d’or de la 62e Berlinale aux vétérans du cinéma italien, les frères Taviani, pour César doit mourir, atteste d’un palmarès trop consensuel qui a ignoré des films plus engagés, selon les commentateurs dimanche.

Pratiquement tous les prix décernés par le jury présidé par le cinéaste britannique Mike Leigh, et qui comportait notamment les acteurs Jake Gyllenhaal et Charlotte Gainsbourg, et les réalisateurs Asghar Farhadi, Ours d’or 2011 ou François Ozon étaient contestés par la presse.

Attribuer l’Ours d’or à César doit mourir «est malheureusement un choix très conservateur dans une sélection officielle pleine de films jeunes, militants et politiques», une tradition de la Berlinale, écrivait le magazine Der Spiegel sur son site internet.

Juste le vent, film hongrois sur les Roms (prix spécial du jury), ou L’enfant d’en haut, fable sociale de la franco-suisse Ursula Meier (mention spéciale du jury et Ours d’argent), auraient mérité mieux, selon la presse.

Le film du duo fraternel italien deux fois récompensé à Cannes (Palme d’Or 1977 avec Padre Padrone et Grand Prix pour La Nuit de San Lorenzo en 1982) est une libre adaptation du Jules César de Shakespeare, interprété par des détenus d’un quartier de haute-sécurité.

Der Spiegel jugeait même que c’était l’«un des films les plus faibles» de la compétition.
«C’est un drame bien carré, parfois même émouvant, mais ce film aborde des thèmes vieillots, de façon vieillotte (... Les Taviani) auraient pu déjà tourner le même film dans les années 60, et il n’est guère en prise avec les crises et les problèmes mondiaux actuels», ajoutait l’hebdomadaire.

Le quotidien conservateur Die Welt était moins sévère, parlant d’un film «éminemment fort». «Il est fascinant d’y voir comment des criminels endurcis découvrir, à travers l’art, et pour la première fois, une réflexion sur leur propre vie».

Mais attribuer l’Ours d’or à ces vieux routiers du cinéma «est dans une certaine mesure un mauvais signal au monde sur la Berlinale 2012», tant «il y avait une foule de jeunes talents en compétition», ajoutait le journal.

Pour le magazine professionnel américain Hollywood Reporter la victoire de César doit mourir représentait une «surprise de taille» quand la compétition offrait des films de jeunes réalisateurs comme le mélodrame portugais Tabou, un ambitieux long-métrage en noir et blanc se déroulant dans le Lisbonne contemporain et dans l’Afrique coloniale.

Les journaux allemands se satisfaisaient de l’Ours d’argent du meilleur réalisateur décerné à Christian Petzold, pour Barbara, même si certains espéraient encore mieux.

Barbara raconte l’histoire d’une femme médecin en ex-Allemagne de l’est qui veut s’enfuir, et qui se lie avec un collègue séduisant, mais qui pourrait également travailler pour la police politique, la Stasi.

Cet Ours d’argent est «largement mérité et réjouissant», notait Der Spiegel, mais il est «très dommage qu’il n’ait pas eu en plus la principale récompense».

Le Frankfurter Allgemeine Zeitung titrait même «Seulement un Ours d’argent pour Barbara».

«César doit mourir est un film dont les critiques craignaient plus qu’ils n’espéraient la victoire, (alors qu’ils étaient) nombreux, ainsi que beaucoup d’autres spectateurs du festival, à espérer que Barbara l’emporte», estimait-il.

Le FAZ étrillait également le film A Royal Affair: «Il est vraiment difficile de comprendre pourquoi le jury a choisi d’honorer de deux prix (meilleur scénario et meilleur acteur pour Mikkel Boe Folsgaard) l’un des films les plus ennuyeux de la sélection».

Distinguer la Congolaise Rachel Mwanza, 14 ans, meilleure actrice pour son rôle d’enfant-soldat dans Rebelle du Canadien Kim Nguyen, est un «alibi», jugeait encore Der Spiegel, pour qui «la forme et le fond» du film méritaient davantage d’être récompensés que l’adolescente.

La Berlinale fermait officiellement ses portes dimanche soir avec la projection au public de l’Ours d’or.