Cela relève du hasard, mais c’est également le résultat d’un lent travail de pénétration du marché français par les cinéastes québécois.


D’ici à la fin de l’année, sept longs métrages québécois auront été diffusés dans les salles de cinéma françaises. Du jamais vu depuis la vague qui a porté les films de Gilles Carle en France au début des années 70. « J’ai beau chercher dans mes archives, je n’ai pratiquement jamais trouvé plus de deux sorties par année dans les dernières décennies », dit une spécialiste de la cinématographie québécoise en France.


Même si, en un quart de siècle, les grands succès commerciaux restent rares – deux films de Denys Arcand à 1,2 million de spectateurs, La grande séduction et C.R.A.Z.Y. à plus d’un demi-million, à quoi on peut ajouter les 340 000 entrées d’Incendies en 2011 –, ils ont été de plus en plus fréquents depuis 2003.


Comme le dit Christian Verbert, qui a longtemps dirigé le défunt bureau européen de la SODEC, « les cinéastes québécois se battent dans la catégorie des petites cinématographies [allemande, israélienne, russe, etc.] qui se partagent 3 ou 4 % du marché français, et font désormais partie du peloton de tête ». Des distributeurs français, petits ou gros, continuent de suivre à la trace les nouveaux films québécois et misent volontiers sur eux, même s’ils ne gagnent pas à tous les coups.


Lafleur, « réalisateur à suivre »
Le petit dernier en date : En terrains connus, de Stéphane Lafleur. Acheté en septembre dernier par un petit distributeur indépendant, le film est sorti mercredi dans une petite salle parisienne prestigieuse, le Reflet Médicis (100 places), et dans deux salles équivalentes à Lyon et Toulouse.

Malgré le caractère confidentiel de cette mise en marché, le film de Lafleur a obtenu des critiques, ce qui est déjà miraculeux, mais encore celles-ci ont été très flatteuses : « Ce réalisateur est un petit génie ) (La Croix) ; « Un catalogue minimaliste proche de la peinture d’Edward Hopper » (Les Inrocks). Le Monde et le Nouvel Observateur ont accordé à Lafleur leur meilleure note de la semaine. Entre-temps, son film a obtenu à Berlin le Prix œcuménique du jury, ce qui contribue à créer une rumeur favorable. « Un réalisateur à suivre », écrit Télérama. Stéphane Lafleur était annoncé demain soir au Reflet Médicis pour une projection-débat.

L’année avait commencé avec la sortie de Café de Flore en janvier dans une centaine de salles. Le film de Jean-Marc Vallée a obtenu de très mauvaises critiques, à deux ou trois exceptions près. Son box-office, stimulé par la présence de Vanessa Paradis au générique, a été honorable en première semaine (près de 500 spectateurs par copie), mais le bouche à oreille a sans doute été mauvais, car, malgré des efforts méritoires d’UGC qui a maintenu le nombre de salles pendant trois semaines, on plafonnait à 82 020 spectateurs après cinq semaines. Une fin de parcours passable sans plus.


Falardeau, Émond, Ken Scott...
UGC, qui avait déjà distribué Congorama de Philippe Falardeau avec un succès d’estime notable, a acheté les droits de Monsieur Lazhar, qui sortira le 5 septembre sur une centaine d’écrans, et qui profite désormais de son statut de finaliste aux Oscars.


Le même jour, un petit distributeur indépendant établi à Lyon, Fandivina, lancera dans une poignée de salles le film d’Anne Émond, Nuit # 1, qui arrivera précédé d’une rumeur flatteuse à la suite d’une tournée réussie des festivals de films d’auteur.


Starbuck prendra pour sa part l’affiche le 27 juin dans près d’une centaine de salles. Le film de Ken Scott est une comédie grand public selon les uns, mais a également obtenu le grand prix du public au festival de films d’humour de l’Alpe d’Huez en janvier. Ce qui lui a valu des commentaires flatteurs à France Inter — la radio publique, plutôt intello. Une sortie estivale qui reste un pari risqué.


Retour du Dolan prodigue
Deux prétendants à la catégorie poids lourd pour terminer. D’abord Rebelle, de Kim Nguyen, qui vient d’obtenir deux prix au Festival de Berlin, et qui sera distribué en fin d’année par Isabelle Dubar, encore grisée par le succès public d’Incendies. Ensuite, le retour du « petit génie » Xavier Dolan qui, aux dernières nouvelles, gardait ses chances d’être sélectionné au Festival de Cannes avec Laurence Anyways. Une étape cruciale pour Dolan, qui dispose de l’appui de la maison MK2 pour la production et la distribution du film. Et d’un budget de 10 millions de dollars.


Sans faire un triomphe, son film précédent, Les amours imaginaires, a fait bonne figure avec quelque 130 000 spectateurs (pour une centaine de copies) et, surtout, a obtenu des critiques dithyrambiques.


En 2012, pour résumer, le cinéma québécois est en affaires comme jamais sur le marché français.