Sans grande surprise, Monsieur Lazhar est ressorti grand vainqueur de la 14e Soirée des Jutra en remportant pas moins de sept trophées. L'excellent film de Philippe Falardeau, qui avait déjà recueilli six prix Génie à Toronto il y a trois jours, a non seulement triomphé dans les trois catégories les plus prestigieuses (film, réalisation, scénario), mais il a aussi valu un laurier à deux de ses jeunes acteurs, Sophie Nélisse et Émilien Néron, dans les catégories des rôles de soutien. La partition musicale de Martin Léon fut aussi plébiscitée. Monsieur Lazhar s'est également distingué du côté technique dans la catégorie du son.

«Il y a cinq ou six ans, on me prenait pour le fils de Pierre; aujourd'hui, dans la rue, on me dit "bonjour, M. Villeneuve"; peut-être que demain, on va enfin me dire "félicitations, Monsieur Lazhar"!», a déclaré Philippe Falardeau avec son humour habituel. Au cours de la soirée, il a aussi marqué sa reconnaissance envers La course destination monde, pendant laquelle il a trouvé sa vocation de réalisateur.

Le Jutra du meilleur acteur a été attribué à Gilbert Sicotte. L'acteur, qui a trouvé l'un des plus beaux rôles de sa vie dans Le Vendeur, a d'ailleurs reçu une ovation très méritée. Sous des applaudissements nourris, l'interprète de Marcel Lévesque, vendeur d'automobiles du très beau film de Sébastien Pilote, n'a pas caché sa joie. «Là, j'avais le goût de ce Jutra-là. Mon premier! Je n'ose pas dire que c'est le rôle de ma vie parce que je veux en faire d'autres!»

Trois prix pour Café de Flore


Malgré une faible représentation dans les catégories de pointe, Café de Flore a néanmoins tiré son épingle du jeu. Vanessa Paradis, vibrante dans le rôle de la mère d'un enfant trisomique dans le Paris des années 60, a obtenu le Jutra de la meilleure actrice. La star n'était toutefois pas à Montréal pour cueillir son trophée. Le film de Jean-Marc Vallée a aussi valu à Patrice Vermette le Jutra de la meilleure direction artistique, et à Pierre Cottereau celui de la meilleure direction photo.

Gerry, drame biographique sur Gerry Boulet, s'est inscrit au tableau d'honneur dans deux catégories (maquillages et coiffure). Deux autres productions ont eu droit à un trophée chacun. Pour l'amour de Dieu (Micheline Lanctôt) est reparti avec le Jutra des meilleurs costumes; et Snow and Ashes (Charles-Olivier Michaud), avec celui du meilleur montage.

Du côté des catégories plus spécialisées, où les lauréats sont choisis par des jurys distincts plutôt que par l'ensemble des votants, Ce coeur qui bat (Philippe Lesage) fut élu meilleur documentaire; Trotteur (Arnaud Brisebois et Francis Leclerc), meilleur court ou moyen métrage; et Dimanche (Patrick Doyon), finaliste déçu aux Oscars, meilleur film d'animation.

Rien pour Coteau rouge

Le grand perdant de la soirée fut sans contredit Coteau rouge. Malgré ses huit nominations, la comédie sociale film d'André Forcier a dû se contenter d'une participation. Starbuck, l'un des deux seuls films à avoir été finaliste dans les trois catégories de pointe (l'autre étant Monsieur Lazhar, bien sûr), rentre bredouille aussi. Ken Scott et ses producteurs peuvent toutefois se vanter d'avoir obtenu le Billet d'or, remis au film ayant attiré le plus de spectateurs dans les salles. Le producteur André Rouleau a d'ailleurs profité de l'occasion pour en appeler au maintien des sommes allouées au cinéma et à la culture par le gouvernement fédéral.

Incendies, grand lauréat l'an dernier, termine sa carrière en mettant la main sur le Jutra du film s'étant le plus illustré à l'extérieur de nos frontières. On peut d'ores et déjà parier sur les chances de Monsieur Lazhar d'obtenir ce prix l'an prochain.

Animée avec brio par Sylvie Moreau et Yves Pelletier, la 14e Soirée des Jutra fut aussi marquée par l'attribution d'un Jutra-Hommage à Paule Baillargeon. Très émue, la «femme guerrière» (très beau laïus d'Anaïs Barbeau-Lavalette) a tenu à honorer la mémoire de Claude Jutra. «Nous sommes les gardiens de sa mémoire, lui qui l'avait perdue et qui en a été si profondément affligé.»