Le tout premier long métrage du réalisateur québécois Martin Doepner, en tournage ces jours-ci, marque le grand retour de Lothaire Bluteau, alias Jésus de Montréal, dans une production d’ici.


« Pour moi, le lieu ne fait pas de différence. C’est parce que j’aime une idée que je participe à un film. Pas parce que c’est dans tel ou tel pays », note le magnétique acteur, avachi sur un vieux divan de cuir dans une salle des studios Mel’s.


Il y a longtemps qu’on l’a vu dans un film québécois. La dernière fois, c’était dans L’enfant prodige, sur la vie d’André Mathieu, en 2009. Il n’y faisait qu’une apparition. Avant ça, il y a eu Le confessionnal de Robert Lepage, en 1995. Et bien sûr, Jésus de Montréal, en 1989.


Entre-temps, Lothaire Bluteau a eu des rôles aux États-Unis, dans 24 et les Tudors, entre autres. Ces jours-ci, on peut le voir aux côtés d’Ashley Judd dans la série Missing, diffusée à CTV. Il s’est aussi consacré aux productions indépendantes, comme Rouge Sang.


Il a été séduit par le scénario du film, mais surtout par celui qui l’a écrit et le dirige, Martin Doepner. « J’ai vu peu de jeunes réalisateurs avec une telle poigne, une telle assurance, dit l’acteur. Il me fait penser à Robert Lepage. 

» Le compliment est de taille. "Il le mérite", assure celui qui l’a fait. Le comédien porte encore des morceaux de son costume, celui d’un insaisissable capitaine de l’armée britannique au Canada en 1799. Un personnage « assis entre deux chaises, au-delà de l’archétype », selon son interprète, qui avoue que la complexité du rôle l’a privé de plusieurs nuits de sommeil.

Un sujet actuel campé en 1799
Rouge Sang raconte l’histoire d’Espérance, mère de trois jeunes enfants et descendante directe de Madeleine de Verchères, héroïne de la Nouvelle-France, qui doit accueillir par un soir de tempête cinq soldats dans sa maison d’une campagne isolée. Au fil des heures, elle découvre qu’ils ont tué son mari, qu’elle croyait pris dans la neige. « C’est une femme forte. Moderne. Elle ne se laissera pas faire. Mais durant la nuit, elle devient paranoïaque. Elle sombre », raconte Isabelle Guérard, qui tient le premier rôle du film.


Le film aux allures de huis clos, un thriller d’époque, se déroule en l’espace de 24 heures, presque toujours dans la même pièce. L’actrice est de presque toutes les scènes. « C’est un beau défi. Il y a énormément de scènes intenses, avec une grande charge émotive. »


Pour le réalisateur comme pour la comédienne, le sujet du film est très actuel, même si l’histoire est campée il y a des centaines d’années. Une femme confrontée à cinq hommes, le goût de la vengeance, l’instinct de survie... Pourquoi avoir choisi 1799 ? « C’est un tournant de siècle. Comme pour l’an 2000, les gens craignaient l’apocalypse, la catastrophe. Il y avait une sorte de fébrilité », répond Martin Doepner, qui estime que l’époque choisie donne une couleur et une texture que le présent n’aurait pu apporter.


Le réalisateur passe de bons moments. Son premier long métrage n’est pas encore monté qu’il planche déjà sur deux autres films. Le premier, un thriller contemporain, racontera l’histoire de deux immigrants qui, fraîchement débarqués au Québec, se trouveront au mauvais endroit au mauvais moment et devront lutter pour s’en sortir. Le deuxième, dont l’écriture est moins avancée, sera un drame campé dans les années 60.