Pour la 65e fois, Cannes convie la planète cinéma mercredi soir sur son tapis rouge pour célébrer le 7e Art avec un démarrage dans l’allégresse grâce au film de l’Américain Wes Anderson Moonrise Kingdom, histoire d’enfance prête à enchanter les festivaliers.
Pendant douze jours, d’ici la proclamation du Palmarès dont la Palme d’or, cette ville de 60 000 habitants sur la Riviera française verra défiler sur sa Croisette jusqu’à 80 000 cinéphiles, producteurs, badauds chasseurs d’autographes, jeunes gens en quête d’avenir qui tous viennent voir, se montrer, être vus.
«Cannes, c’est la glorification du cinéma mondial», clame Gilles Jacob, président du Festival, qui accueille avant chaque projection officielle ses visiteurs du soir au haut des 24 marches au côté de Thierry Frémaux, délégué général chargé de la sélection officielle --une soixantaine de films dont 22 en compétition.
Parmi eux aucune femme en lice pour la Palme d’or - contre quatre l’an dernier, comme l’a souligné avec force un collectif féministe quelques jours avant le coup d’envoi.
Mais pour la réalisatrice britannique Andrea Arnold, membre du jury, l’idée qu’un de ses films soit sélectionné parce qu’elle est femme, «comme un peu pour me faire l’aumône», est insupportable.
«S’il n’y a pas beaucoup de films de réalisatrices ici c’est parce qu’il n’y a pas beaucoup de femmes qui réalisent des films», a-t-elle expliqué. «Je pense que c’est vraiment dommage parce qu’il est clair que les femmes représentent la moitié de la population et qu’elles ont quelque chose à dire», a ajouté Andréa Arnold (Prix du Jury 2009 pour Fish Tank), l’une des quatre femmes (sur neuf membres) du jury présidé par le réalisateur italien Nanni Moretti.
Ce dernier, décidé à prendre son rôle au sérieux, a convenu de réunir «tous les deux jours» ses jurés, dont les acteurs Emmanuelle Devos et Ewan McGregor, ou encore le réalisateur Alexander Payne.
«La joie de manger du cinéma!»
Le réalisateur et acteur italien regrette que le jury s’exprime désormais à l’issue de l’annonce du palmarès, ce qui n’était pas le cas «il y a quelques années...». «Les deux derniers tabous étaient le silence à Cannes et le silence du conclave. Maintenant, il ne reste que le conclave...», a déploré, dans un sourire, Moretti qui présentait l’an dernier Habemus Papam.
Histoire d’animer une Croisette encore paisible en matinée, l’acteur et humoriste britannique Sacha Baron Cohen (inoubliable Borat) s’est chargé de semer la pagaille, baladant son dromadaire dans les plates-bandes et les boutiques chics, comme The Dictator, son prochain rôle titre.
Parmi les films les plus attendus de cette cuvée 2012, De rouille et d’os jeudi signe le retour de Jacques Audiard et celui de Marion Cotillard au cinéma français, celui d’Alain Resnais aussi qui, à presque 90 ans, livre un film-testament avec sa troupe réunie dans Vous n’avez encore rien vu (les acteurs français Pierre Arditi, Sabine Azema, Lambert Wilson...)
L’appétit est vif pour deux adaptations littéraires: le mythe Sur la route de Jack Kerouac par le Brésilien Walter Salles, avec une distribution de haut vol (Kirsten Dunst, Kristen Stewart, Garret Hedlund, Sam Riley...) et Cosmopolis du Canadien David Cronenberg d’après Don DeLillo avec Robert Pattinson, amant Twilight de Mlle Stewart et son compagnon à la ville.
Ils feront face à l’Iranien Abbas Kiarostami, à l’Autrichien Michael Haneke, au Britannique Ken Loach et à d’autres, adulés des cinéphiles quoique moins connus du grand public, tels l’Australien Andrew Dominik ou le Mexicain Carlos Reygadas.
Mercredi sur la scène du Palais des Festivals, la fête devait commencer sous le sourire de Marilyn Monroe, égérie de la 65e édition et avec celui de Bérénice Bejo, césarisée pour The Artist l’an passé.
Le couturier français Jean-Paul Gaultier, seul membre du jury qui ne soit ni acteur ni réalisateur, ne cachait pas, au premier jour, son excitation. «J’attends la surprise, l’émotion, la joie de manger du cinéma!»