Il a fait bon rire sur la Croisette mercredi en plongeant pour l’ouverture du 65e Festival de Cannes dans le royaume onirique et technicolor de Wes Anderson, retombé dans son enfance avec Moonrise Kingdom (sorti simultanément dans les salles françaises).

Tandis que leur île est menacée à l’approche d’une violente tempête, à l’été 1965, Sam et Suzy, deux enfants amoureux s’enfuient en cachette: la frayeur et l’inquiètude que causent leur disparition sèment un vent de panique chez les adultes déraisonnables et bizarres censés veillés sur eux.

Dans son équipée bouffonne coscénarisée par Roman Coppola (fils et frère de), le réalisateur américain (La famille Tenenbaum, La vie aquatique, The Darjeeling Limited) a confié avoir puisé dans ses souvenirs, recréant «cette atmosphère quand on tombe amoureux pour la première fois, qu’on se sent comme dans un rêve, en eaux profondes».

Il y a enrôlé Bruce Willis en flic triste - «Peut-être triste mais pas idiot», corrige dans le film Frances Mc Dormand, qui joue la mère de la petite fugueuse. Elle trompe avec Willis son mari, Bill Murray, avec lequel elle forme un couple désespéré confronté aux éléments, aux autorités et aux «Services Sociaux», soit Tilda Swinton à elle seule, coiffée d’un drôle de bibi bleu.

Edward Norton et Harvey Keitel en chefs scouts complètent cette galerie d’adultes défaillants, face aux deux gamins qui eux, sérieux et organisés, ont planifié et organisé leur équipée dans le moindre détail, jusqu’à la crique qui leur sert de refuge.

«Dans ce film, ce sont les enfants qui trouvent le Graal et qui l’apportent aux adultes, pas l’inverse», a relevé Tilda Swinton à la tribune de Cannes.

À 13 ans, Jared Gilman, qui campe Sam, l’orphelin bigleux et amoureux, joue pour la première fois au cinéma comme le voulait Wes Anderson qui l’a cherché pendant près de 9 mois, et Kara Hayward, la petite Suzy tellement lasse de cette famille constamment au bord de la crise de nerfs, n’avait fait ses armes que dans une pièce.

Pour entrer dans la peau de leurs sujets, le réalisateur leur a demandé de s’écrire pour de vrai, pendant des mois, comme le font Sam et Suzy dans le film - «de vraies lettres», pas des emails précise Kara - et a soigné leurs apparitions.

Toque de Davy Crockett sur son uniforme scout pour lui, qui se charge de la logistique, minirobe rose, grandes chaussettes, tourne-disque et paire de jumelles pour elles.

Bruce Willis longtemps abonné aux rôles de durs a fait valoir mercredi devant la presse que «tout le monde a besoin d’amour, même les flics» tandis que Bill Murray se réjouissait de voir le héros de Die Hard jouer les «petits flics de campagne».

Baigné de la lumière jaune des rêves exagérément précis, cadré comme encadré à chaque plan, Moonrise Kingdom c’est un parfum d’enfance qu’aurait saisi le photographe anglais Martin Parr chez les surréalistes, rythmé par la musique d’Alexandre Desplats qui signe cette année la BO de cinq films en sélection sur la Croisette, dont ce lancement en fanfare de l’édition 2012.