Une paire de lunettes, une diction singulière, une autodérision permanente: Woody Allen, A Documentary offre une plongée dans un univers familier qui permet, par instants, de s’approcher d’un cinéaste à part, de sa relation à l’écriture, au désir, à la vie.

Présenté à Cannes hors compétition, ce documentaire de Robert Weide retrace la carrière (en cours...) d’Allen Stewart Konigsberg, alias Woody Allen, 76 ans, plus de quarante films à son actif. Les images d’archives et l’interview du cinéaste offrent un ensemble cohérent hélas entrecoupé de commentaires admiratifs d’acteurs peu éclairants.

Son enfance à Brooklyn («J’ai détesté l’école, ce fut un cauchemar»), ses chroniques dans le New Yorker, ses premiers one man show au Bitter End sur Bleecker Street, où le public reste au début décontenancé face à l’humour décalé du jeune homme maigrelet et tourmenté.

Puis les années où - cheveux longs en bataille et costumes d’époques - il fait les délices des talk-show américains.

Vient l’impressionnante filmographie: Prends l’oseille et tire-toi (1969) et le tournant Annie Hall (1977) avec Diane Keaton, qui raflera quatre Oscars, dont celui du meilleur film et du meilleur réalisateur. Manhattan (1979), film culte et déclaration d’amour à sa ville, jusqu’à Midnight in Paris, l’an dernier, immense succès aux États-Unis, «un heureux accident» selon les mots de son réalisateur.

Le réalisateur américain reconnaît très volontiers que son oeuvre est de qualité inégale «Si je continue à faire des films, de temps en temps j’aurai de la chance et l’un d’entre eux sortira du lot».

Dans les rares moments où il abandonne le registre humoristique, le septuagénaire se découvre un peu.

Comme lorsqu’il évoque avec pudeur la sexualité d’un homme de son âge, reconnaissant qu’un jour, peut-être, tout ceci lui deviendra indifférent mais que cette heure n’est pas encore arrivée et que cette source d’inspiration cinématographique n’est pas tarie.

Ou encore lorsqu’il s’attarde sur son processus d’écriture: l’utilisation rituelle d’une machine à écrire achetée quand il avait 16 ans et son «copier-coller» à lui, à coups de ciseaux.

Habitué de Cannes où une dizaine de ses films ont été projetés, mais toujours hors compétition, Woody Allen insiste sur l’illusion de ce rendez-vous que sa femme et ses enfants adorent mais qu’«il faut apprendre à ne pas prendre au sérieux».

Insatisfaction, inquiétudes, tourments. Mais aussi, derrière l’humour, et presque à chaque phrase, une curiosité et un appétit, résumés par une réplique quasi-mythique du Festival, reprise dans ce documentaire.

En 2010, lors d’une conférence de presse après la projection de son film You Will Meet a Tall Dark Stranger, il est interrogé sur sa relation avec la mort, sur laquelle il disserte à longueur de films depuis des années. «Elle n’a pas changé: Je suis farouchement contre!».