L'Iranien Abbas Kiarostami est parti au Japon pour Like Someone In Love, un film «sans début ni fin» présenté lundi en compétition à Cannes: l'instantané de la vie de trois Tokyoïtes, une étudiante-prostituée, son vieux client et son amoureux jaloux.

Après une incursion italienne pour son précédent film Copie Conforme dans lequel la Française Juliette Binoche avait obtenu en 2010 le prix d'interprétation féminine du Festival, l'Iranien s'est envolé cette fois pour Tokyo afin, dit-il, de raconter l'histoire de «personnages universels, qui doivent être accessibles à tous».

«Si je n'arrive pas à trouver un dénominateur commun entre moi Iranien, eux Japonais et vous public français, je n'oserais même pas prendre l'initiative de faire un film comme celui-là», a confié le réalisateur âgé de 71 ans en conférence de presse.

Akiko (Rin Takanashi) est une jolie étudiante en sociologie, harcelée par son amoureux ivre de jalousie. La nuit, elle coupe son téléphone portable et troque ses couettes d'étudiante pour son rouge à lèvres de prostituée.

Ce long métrage, pour lequel le réalisateur n'a fourni aucun scénario à ses acteurs, s'ouvre sur sa vaine tentative, dans un bar à vin de la capitale nippone, d'échapper à l'une de ces soirées spéciales organisée par son proxénète. Sa grand-mère l'attend en ville pour la voir et elle doit réviser ses examens.

Mais rien n'y fait. Epuisée, elle se résout à monter dans le taxi qui va l'emmener vendre son corps à un vieux monsieur. Elle vole en chemin une minute douloureuse pour observer sans être vue sa grand-mère l'attendre en vain sur une place grouillante de la ville.

Son client, un vénérable professeur de sociologie (Tadashi Okuno), a l'âge d'être son grand-père et le deviendra, le temps d'un malentendu, aux yeux du fiancé jaloux.

Film d'atmosphère et d'instants - la voisine commère, la traduction incomplète, les messages téléphoniques de la grand-mère, la courroie défectueuse de la voiture, la prise de conscience de l'amoureux trahi -, Like Someone In Love a été accueilli par quelques sifflets en fin de projection.

«Si vous comprenez ce film, je ne demande pas si vous l'avez aimé ou pas, si vous l'avez compris, cela signifie que ce que vous ressentez (..) est très proche de ce qui est donné à voir», a analysé le réalisateur qui a présenté son oeuvre comme un film «sans début ni fin».

Interrogé sur la fin, jugée abrupte, de son film, il explique que l'écriture de sa scène finale lui a laissé «un goût d'inachevé»: «Je me disais que ça ne pouvait pas être la fin du film. Plus de six mois se sont écoulés et je n'ai pas trouvé d'autres fins», a-t-il confié en conférence de presse.

«Après, petit à petit, je me suis rendu compte que le film n'a pas de début non plus. Là aussi je n'ai pas trouvé de solution. Mon film ne commence pas et ne se termine pas et je me suis rendu compte que c'est ce qui se passe dans la vraie vie», a-t-il poursuivi.

«Aucune histoire n'a ni début, ni fin. Nous arrivons toujours après le début des histoires, les choses ont commencé avant nous. Et puis on a l'impression de la finir mais l'histoire n'est jamais finie».

Il a dit compter sur les spectateurs pour «deviner ce qui s'est passé au début et (..) supposer ce qui se passe» après. Une attente qui explique peut-être l'accueil réservé fait au film.