Les déchets projetés sur la Croisette: deux documentaires du réalisateur germano-turc Fatih Akin et de l’acteur britannique Jeremy Irons disent l’urgence de changer les habitudes face à la menace environnementale et sanitaire de nos ordures qui s’accumulent.

Dans Trashed, réalisé par la Britannique Candida Brady, Jeremy Irons se fait pédagogue sur le terrain, chapeau de paille ou bonnet de laine sur le crâne suivant les saisons et les lieux visités.

Au Liban, «la montagne de Saïda», gigantesque dépotoir à ciel ouvert, se jette dans la Méditerranée à quelques mètres de l’antique Sidon, en Chine, en Indonésie, au Royaume uni, en France: partout, des problématiques vertigineuses, les limites et les dangers des décharges et des incinérateurs pour la terre, la mer et l’air.

«J’avais envie de faire quelque chose de plus utile que simplement des films pour distraire les gens», a expliqué Jeremy Irons, qui s’est fait connaître avec La maîtresse du lieutenant français en 1981 avant d’exploser dans Faux semblants de David Cronenberg (1988).

L’acteur va chercher des solutions à San Fransicsco, où une ambitieuse politique «zéro déchet» a été mise en place il y a plusieurs années. Et réclame, à l’issue de la projection, de simplifier la jungle de labels qui rendent souvent le tri si compliqué: «C’est absolument incompréhensible! Nous avons besoin d’instructions simples, identiques à travers le monde entier!».

Autre tonalité, Polluting Paradise, du cinéaste Fatih Akin (Head On, De l’autre côté, Soul Kitchen) qui a posé sa caméra à Camburnu, village de ses grands-parents dans le nord-est de la Turquie, à quelques kilomètres de la mer noire.

Dans cette région qui vit de la pêche et de la culture du thé, un projet de décharge est mené sans concertation et dans la précipitation en dépit de la vive opposition de la population et du maire qui multiplie, en vain, les recours devant la justice.

La caméra s’attarde, lentement, sur le désarroi des habitants face à l’arrivée des premiers déchets dans des conditions ahurissantes: «On pensait qu’il y avait un cadavre quelque part...».

Fatih Akin, qui vit à Hambourg, a commencé à faire quelques images en pensant que la «menace» d’un film suffirait à faire reculer les promoteurs du projet. Le tournage s’est finalement étalé sur près de cinq ans, entre 2007 et 2012.

«Ils continuaient à construire, je devais continuer à filmer», explique le réalisateur à l’AFP. «C’est un peu comme dans un combat de rue, une fois que vous avez commencé, vous ne pouvez pas dire «Stop, j’arrête, je rentre à la maison». «La colère est un cadeau, particulièrement pour le cinéma», ajoute-t-il.

Le Festival de Cannes, son tapis rouge et ses soirées de luxe pour happy few, un lieu idéal pour parler poubelles, méthanisation et tri sélectif?

Oui, répondent à l’unisson, les deux hommes.

«Ce qui est formidable avec Cannes c’est que les Brangelina (Brad Pitt et Angelina Jolie) viennent ici, attirent la lumière, mais ils sont comme le cheval de Troie à l’intérieur duquel il y a plein d’autres petits films intéressants qui bénéficient aussi de cette extraordinaire exposition», explique Fatih Akin, qui fut membre du jury ici en 2005.

«Cela donne aussi un peu un peu plus de relief à Cannes», juge en écho Jeremy Irons. «Pourquoi ne pas passer quelques instants pour parler de cela plutôt que de savoir si Brad Pitt devrait opter pour une nouvelle coupe de cheveux?».