Il faut être téméraire, visionnaire, naïf ou parfaitement inconscient. Préférablement un peu tout cela à la fois. Partir de rien, choisir un endroit, construire des salles et fonder un nouveau cinéma de quartier voué au cinéma d'auteur. Rien que ça. En ces temps difficiles pour la culture autre que celle destinée au plus grand nombre, que voilà une idée saugrenue! Depuis deux ans, un petit groupe de citoyens du quartier Mercier, situé dans la pointe est de l'île de Montréal, est pourtant animé d'une belle folie.

Le rêve de ces cinéphiles passionnés? Ouvrir dans deux printemps les portes d'«un lieu novateur s'articulant autour d'un cinéma indépendant multisalles agrémenté d'un bistro». Autrement dit, on souhaite reprendre dans Mercier la formule à succès du cinéma Beaubien.

Pour l'instant, le projet Station Vu semble être né sous une bonne étoile. Une étude de faisabilité a été produite, appuyée par le fonds d'investissement en économie sociale (FIES) et par la Corporation de développement de l'Est (CDEST). On y confirme la pertinence d'implanter un pôle d'activités culturelles dans un quartier où la maison de la culture tient présentement tous les rôles. Le projet compte aussi des appuis politiques, tant sur la scène municipale (Réal Ménard, maire de l'arrondissement Mercier-Hochelaga-Maisonneuve; Louise Harel, chef de l'opposition officielle), que sur la scène provinciale (Maka Kotto, député de Bourget; Lise Thériault, ministre du Travail) et fédérale (Ève Péclet, députée de La Pointe-de-l'Île).

Offre famélique

L'instigateur du projet, Stéphane Hardy, est un ardent cinéphile. Il gagne sa croûte comme géographe. Pendant longtemps il a habité à côté du cinéma Le Dauphin (aujourd'hui le cinéma Beaubien). «J'ai assisté à son déclin, puis à sa renaissance», dit-il.

C'est en retournant dans Mercier, son quartier d'enfance, qu'il a constaté l'absence - disparition serait peut-être le mot le plus juste - d'une véritable vie de quartier dans ce secteur. Comme au centre-ville de Montréal, tous les cinémas de l'est de la ville ont été rasés pour faire place aux complexes multisalles. Le Paradis, le Langelier, les cinémas de la Place Versailles appartiennent désormais à l'histoire. À l'exception du cinéma Beaubien (plus au nord), le StarCité est le seul endroit où l'on présente des films à l'est de la rue Saint-Denis. Pour les amateurs de cinéma de qualité, autre que hollywoodien, autant dire que l'offre est famélique.

«Le projet Station Vu est né d'une discussion entre voisins, souligne Stéphane Hardy. On s'est dit qu'il fallait faire quelque chose. Nous sommes des néophytes. Nous ne provenons pas de l'industrie du cinéma. Nous sommes de simples citoyens en appétit de cinéma et de culture. Pour le moment, notre projet semble être bien lancé.

«On souhaite, poursuit-il, une programmation de qualité, différente de ce qui est présenté ailleurs. Titanic en 3D ne sera pas montré chez nous. On ne veut pas seulement penser en terme de business. Si l'offre est meilleure, plus diversifiée, peut-être certains cinéphiles seront-ils tentés de retourner dans les salles. En fait, on souhaite implanter un vrai cinéma de quartier. À cet égard, le Beaubien constitue un très bel exemple. Il confirme la viabilité d'un tel projet.»

Reste à savoir maintenant comment réagira le milieu du cinéma face à l'arrivée d'un nouveau joueur dans le décor. Stéphane Hardy n'est pas naïf au point de croire qu'il sera accueilli à bras ouverts par tout le monde.

«Pour l'instant, nous obtenons une oreille attentive, fait-il remarquer. Il est certain que la plupart des distributeurs voient d'un bon oeil l'arrivée de salles supplémentaires vouées au cinéma d'auteur. Du côté de l'Association des propriétaires de salles, c'est un peu moins chaleureux. Certains d'entre eux craignent de perdre une partie de leur clientèle. Ceux qui sont plus loin de nous sur le plan géographique sont très enthousiastes, cela dit!»

Cet été, les artisans de Station Vu comptent organiser des projections en plein air au parc Bellerive, lieu vert du secteur, histoire de tâter le pouls des habitants du quartier. En plus de s'offrir un peu de visibilité.

On ne peut qu'applaudir cette initiative. Et souhaiter à ces beaux fous la meilleure des chances.

Un Québécois à Annecy

Le producteur, critique, professeur et auteur québécois Marcel Jean succède à Serge Bromberg à titre de directeur artistique du Festival international du film d'animation d'Annecy. La nouvelle n'est pas banale. Annecy est le plus ancien et le plus prestigieux festival consacré au cinéma d'animation. Outre la compétence du nouveau directeur artistique (Marcel Jean fut notamment chef du studio d'animation du Programme français de l'ONF, il enseigne et a écrit de nombreux ouvrages sur le sujet), on peut aussi voir dans cette nomination un hommage à la cinématographie d'un pays dont l'expertise en fait depuis des décennies l'un des chefs de file dans le domaine.

Rappelons que Serge Bromberg, à qui l'on doit la récente restauration en couleurs du Voyage dans la lune de Georges Méliès, a occupé la fonction pendant 14 ans. Souhaitons un règne aussi fécond à monsieur Jean. On lui dit bravo.