Il y a six ans, le réalisateur Jean-Marc E. Roy jetait les premiers jalons d'un projet qui lui tenait à coeur: faire un documentaire sur le cinéaste québécois André Forcier. Si la route a été longue jusqu'à sa sortie, en septembre dernier au Festival de cinéma de la ville de Québec, l'attente en valait la peine. Atypique et émaillé de beaucoup de tendresse, le film s'intéresse autant à la carrière de Forcier qu'à la construction de ses films, à ses personnages issus des quartiers populaires et à sa façon, si singulière, de voir le cinéma. Alors que le film est présenté ce soir aux RIDM, La Presse s'est entretenue avec lui.

Avez-vous ressenti l'obligation de faire un film différent dans sa forme pour faire écho à l'univers si particulier d'André Forcier?

Sans prétention, je vous dirais que lorsque je fais un documentaire, j'ai une volonté de faire les choses autrement. Et dans le cas d'André Forcier, il méritait plus qu'un simple show de chaises avec des individus nous disant comment il est bon. Si je fais des films dans la vie, c'est à cause de lui, et j'aime particulièrement la façon dont il construit ses personnages et ses fresques. Je me suis dit que si ses personnages sont plus grands que nature, ce serait bien de les revoir avec leur look aujourd'hui. Des personnages qui auraient finalement vieilli au même rythme que mon sujet.

Justement, cette idée de recréer des scènes de ses films s'est-elle vite imposée?

Cela faisait partie de ma réflexion sur la façon de faire un film autrement et la mise en scène des personnages. Ils sont importants et forment la clé de son cinéma. J'ai brodé autour de ça, en changeant le scénario à plusieurs reprises. Ce qui me fait plaisir, c'est qu'on lit le scénario sur papier puis qu'on voit le film, on est à la même place. Il faut dire aussi que je n'ai pas obtenu de financement, ni de la SODEC ni de Téléfilm. Ce sont les conseils des arts qui ont embarqué et l'ont rendu possible. Cela avec les crédits d'impôt, le traitement différé et le fait que les gens sont venus travailler pour des peanuts.

Ses comédiens ont toujours exprimé une grande affection pour Forcier. Ont-ils spontanément accepté de se joindre au projet?

Oui! D'emblée, cela a été assez aisé. Ce qui a été plus compliqué, c'est de gérer les horaires et disponibilités de tout le monde. Avec le budget que j'avais, c'est comme si j'avais fait 14 courts métrages en 12 jours. Certains n'ont pas pu participer en raison de conflits d'horaire. Une seule personne, que je ne nommerai pas, a refusé de participer. 

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Dans le film Des histoires inventées, on croise les Louise Marleau, Donald Pilon, France Castel, Michel Côté, Rémy Girard, Geneviève Brouillette, Marie Tifo, Juliette Gosselin, Marc Messier, etc. En raison d'un problème de santé d'un comédien, Jean-Marc E. Roy a par ailleurs réécrit à la dernière minute une scène inspirée de L'eau chaude, l'eau frette dans laquelle Charlotte Aubin incarne la petite infirme (Louise Gagnon, dans le film original) qui fait écouter son stimulateur cardiaque pour 50 cents.

Photo Michel Tremblay, Archives Le Quotidien

Jean-Marc E. Roy a réalisé Des histoires inventées, documentaire sur le cinéaste André Forcier.