Quel genre de formation suivent les jeunes qui souhaitent devenir policiers au Québec et, surtout, est-elle adéquate? C'est la question que s'est posée la documentariste Mélissa Beaudet et qui a mené à la création d'un film qui n'a rien en commun avec la série de comédies américaines des années 80. Présenté ce soir en première mondiale dans le cadre des RIDM, le film sortira le 27 novembre au cinéma Excentris. Mélissa Beaudet a répondu à nos questions.

D'où vous vient votre intérêt pour ce sujet?

L'élément déclencheur est survenu en 2011 avec la mort de Mario Hamel et Patrick Limoges [tous deux tués lors d'une intervention policière en juin 2011 et pour laquelle il n'y a pas eu d'accusations]. À ce moment-là, je préparais un film sur les aidants naturels en santé mentale. J'ai donc été touchée, bouleversée, et je me suis demandé ce qui s'était passé. Comment de telles choses pouvaient-elles survenir? Quel type de formation les policiers recevaient-ils? D'autant qu'à mon avis, le travail est davantage axé sur des interventions d'ordre social que d'ordre criminel. Je voulais aussi savoir qui sont ces jeunes qui souhaitent faire ce travail de policier tout en sachant qu'ils risquent d'être montrés du doigt tout au long de leur vie.

Quelle approche avez-vous adoptée?

J'ai essayé d'avoir une approche journalistique, sans jugement ni opinion. J'ai aussi voulu travailler sur le long terme. Le tournage a duré trois ans, auxquels il faut ajouter un an de recherche. Je voulais voir qui sont ces jeunes candidats, pourquoi ils veulent faire ce travail et si la formation a du sens. Il est facile de remettre en cause la formation à chaque bavure policière. Je pense qu'elle est très bonne, mais elle prépare le policier à sa première journée de travail en carrière. Ensuite, il revient à chacun d'eux de poursuivre sa formation.

Vos sujets n'ont-ils pas une vision manichéenne du travail policier?

Au départ, peut-être. Ils sont très jeunes. Deux de mes sujets arrivaient du secondaire. Donc, oui, ils ont une vision des choses d'abord très naïve. Mais, durant les trois années de formation, leur vision change. Lorsqu'ils arrivent ainsi du secondaire, ils pensent qu'ils vont faire un job avec beaucoup d'action, d'adrénaline et de défis. Après, ils se rendent compte de ce qu'est le vrai travail policier, surtout en troisième année du cégep. Rendu là, et juste avant d'entrer à l'École nationale de police, tout prend son sens.

Comment avez-vous convaincu vos sujets de participer?

Lorsque je les ai approchés, je leur ai montré mon documentaire Les poings serrés [où un policier du quartier Saint-Michel entraîne des jeunes à faire de la boxe au lieu de se battre dans la rue]. Je leur ai montré que j'arrivais sans jugement, avec beaucoup de questions, et que je les suivrais sur le long terme. Au début, ils étaient timides, mais ils ont vite compris que nous étions dans une démarche de fréquentation. Par la suite, ils se sont livrés sans filtre.

Il est beaucoup question du «pouvoir discrétionnaire» dans votre film, n'est-ce pas?

Vous trouvez? Parce que le pouvoir discrétionnaire fait appel au jugement du policier. Ils ne savent pas toujours comment l'appliquer en ce sens qu'ils vivent constamment un combat intérieur. Face à une situation X, doivent-ils user de leur pouvoir discrétionnaire, ou des «pouvoirs et devoirs» dont ils sont investis? La décision est parfois difficile à prendre.

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Aujourd'hui, 18h, au cinéma Excentris; dimanche, 22 novembre, 21h, au Cinéma du Parc.