La 18e édition des Rencontres internationales du documentaire de Montréal (RIDM), qui s'amorce ce soir, sera la première pour Mara Gourd-Mercado à titre de directrice générale. La Presse l'a rencontrée.

Ouverture, rencontre. Deux mots essentiels dans le vocabulaire de Mara Gourd-Mercado pour décrire le documentaire dans son ensemble et les RIDM en particulier.

La jeune femme, détentrice d'un baccalauréat en arts visuels de l'UQAM et roulant sa bosse dans les relations publiques depuis plusieurs années, considère que de regarder un film est une fabuleuse occasion d'aiguiser son identité grégaire.

Lorsqu'on lui demande de nous expliquer en quoi il est utile de visionner des documentaires et, par la bande, d'aller aux RIDM, elle se lance dans une explication passionnée sur les bienfaits de ce genre comme instrument de socialisation.

«Le documentaire est un médium extraordinaire d'ouverture vers l'autre, dit-elle. Je dirais presque que c'est un geste humaniste, regarder un documentaire, parce qu'il permet de voir l'autre avec un grand A. Il permet de sortir de sa bulle, de son quartier, de sa ville pour aller à la rencontre d'autres points de vue.»

L'ouverture sur l'autre entraîne, on l'aura compris, une meilleure compréhension de l'autre, de sa vie, de son environnement. Mara Gourd-Mercado en prend pour exemple Homeland d'Abbas Fahdel, documentaire-fleuve (près de six heures!!!) qui est un des éléments phares de la programmation 2015 des RIDM.

«Dans les reportages à la télévision, la guerre en Irak est souvent dépeinte avec des images en infrarouge. On se croit dans un jeu vidéo. Homeland montre les effets de cette guerre sur une famille. Le réalisateur a suivi cette famille avant, pendant et après la guerre, ce qui permet de constater comment celle-ci a changé les gens. Je trouve ça à la fois extraordinaire et essentiel.»

À son avis, le documentaire représente aussi un outil de médiation, de conciliation, de discussion. «C'est bon pour une société de se questionner, et ce genre cinématographique est un excellent outil contre la xénophobie, la misogynie, etc.», ajoute Mme Gourd-Mercado qui, avant de devenir directrice générale des RIDM en avril dernier, en fut la directrice des communications.

Rencontre

Dans cet esprit de communauté de la directrice, la tenue annuelle des RIDM peut devenir un excellent lieu de rencontres et d'échanges entre les spectateurs et les créateurs, mais aussi entre les créateurs.

Elle donne l'exemple de Johann Johannsson, compositeur de la musique des films Prisoners et Sicario de Denis Villeneuve. M. Johannsson sera de passage à Montréal pour présenter End of Summer, un premier court métrage de son cru. Il était donc tout désigné de programmer un événement où Denis Villeneuve et lui discuteront du rapport de la musique à l'image, de la relation entre réalisateur et compositeur pour créer une trame sonore solide.

Selon elle, l'édition 2015 du festival se caractérise par un parfait équilibre entre oeuvres d'ici et d'ailleurs. «Elle est tournée vers le monde tout en regardant dans notre cour, dit-elle. Chaque année, le festival se fait un point d'honneur d'avoir une belle programmation québécoise. Et cette année, nous attendions beaucoup de bons films québécois que Charlotte Selb [directrice de la programmation] et son équipe suivaient depuis longtemps.»

Cela dit, la petite équipe des RIDM regarde déjà en avant. Et deux ans plutôt qu'un, d'ailleurs. Parce que, joli hasard, le 20e anniversaire de l'événement coïncidera avec le 375e de Montréal. Il y a (déjà!) de la fébrilité dans l'air.

«On a plusieurs idées, dit la directrice générale. Nous avons envie de fêter Montréal à travers nos 20 ans et souhaitons profiter de l'énergie qui animera alors la ville. Montréal est une ville superbe, une courtepointe urbanistique avec des couleurs particulières. Les RIDM traduisent très bien cet esprit montréalais.»

D'ici là, les RIDM s'amorcent ce soir avec la projection du film Les vaillants de Pascal Sanchez et se poursuivent jusqu'au 22 novembre.

Trois recommandations de Mara Gourd-Mercado

My Love, Don't Cross That River (Moyoung Jin)

«Un film coréen de toute beauté. On y retrouve un couple qui est marié depuis près de 70 ans! Deux personnes au crépuscule de leur vie et qui ont encore un grand plaisir à être ensemble. Ils se lancent des feuilles, font des batailles de boules de neige, ont des conversations toutes simples. Une tranche de vie avec une tendresse extraordinaire.»

Pouding chômeurs (Bruno Chouinard)

«Ce film est une oeuvre essentielle sur les compressions qu'il y a eu dans le régime de l'assurance-emploi durant le gouvernement Harper et ses effets sur les populations qui en ont le plus besoin comme les travailleurs saisonniers en région. Ce sont des travailleurs comme nous, qui avaient droit à ces prestations et qui en étaient presque à les quémander.»

Spoon (Michka Saäl)

«Cette cinéaste québécoise fait un cinéma très intimiste et poétique. En faisant de la recherche pour un autre projet, elle a rencontré un détenu condamné à la prison à perpétuité aux États-Unis. Elle a amorcé une relation d'amitié épistolaire avec cet homme, un poète se faisant appeler Spoon. Le film parle de la mémoire de cet homme, de sa poésie.»

PHOTO FOURNIE PAR LES RIDM

My Love, Don't Cross That River de Moyoung Jin