Vidéaste et cinéaste engagé, Steve Patry a trouvé chez les gens qu'il côtoie au quotidien la nourriture narrative de son premier long métrage documentaire, De prisons en prisons, dont la première québécoise est présentée aujourd'hui aux RIDM.

Somme de trois ans de travail, le documentaire constitue une incursion percutante sur le quotidien en montagnes russes de trois personnes, Julie-Chantale, Jean-François et Yves, dont la vie est émaillée de séjours en milieu carcéral, de problèmes de consommation et de rechutes.

M. Patry répond à nos questions.

Q : Au-delà de témoigner, qu'avez-vous voulu nous dire?

R : Mon but était de filmer la réinsertion sociale au quotidien mais aussi les conséquences de la «judiciarisation» sur la vie des individus. Je voulais faire un film qui se démarque de ce nous proposent les séries télévisées. Parce que la vie commence à partir de la sortie de prison. De l'expérience que j'en tire, ces gens ne sont pas si différents de nous. Ils ont les mêmes problèmes, vivent des situations que nous. Mais ils n'ont pas les mêmes ressources ou l'éducation nécessaire pour s'en sortir.

Q : Qu'est-ce qui vous a conduit vers ce sujet?

R : Je suis un vidéaste formateur dans les milieux communautaires. De ce fait, j'ai rencontré des marginaux de toutes sortes dont un ex-détenu devenu un habitant de la rue à la suite de sa sortie de prison. Dans des situations comme celle-là, les gens sont excités à l'idée de sortir de prison mais ils ont une grande peur de retomber dans leurs habitudes de consommation. C'est d'ailleurs durant les premières journées suivant leur libération que ça passe ou ça casse. C'est le point de départ du film.

Q : Comment convaincre les gens à participer au projet?

R : C'était le premier défi. Il me fallait créer une relation de confiance.

Pour cela, je voulais que mes sujets aient un but comme moi j'en avais un.

Je leur ai dit que ce projet, on le faisait ensemble, de la façon la plus égalitaire possible. Je voulais qu'ils voient ça comme un projet commun.

Bien sûr, au bout de trois ans, il s'est créé des liens. Mon équipe et moi étions devenus des personnes-ressources pour nos sujets. Tout ça en conservant une distance. Ils devaient comprendre que nous n'étions pas là pour les sauver.

Q : Quelles sont les épithètes communes à vos trois sujets?

R : Sous une forme ou une autre, ce sont des gens avec des dépendances. Ça peut être une dépendance aux drogues, à l'alcool, à l'argent ou une dépendance affective. Ils ont tous des problèmes de vulnérabilité, pauvreté, solitude et toxicomanie. Et tous trois ont besoin de prendre appui sur des éléments extérieurs: l'un envers ses parents, l'autre envers sa copine et la troisième en renouant avec ses filles.

Q : Comment la société, les médias et l'État traitent ces individus?

R : En général, on les réduit à leurs crimes, aux actes qu¹ils ont commis. On n'essaie pas de chercher les causes de leurs problèmes. Après avoir passé trois ans à les côtoyer, j'en arrive à conclure que leur situation est très complexe. Moi-même j'ai parfois de la difficulté à comprendre ce qu'ils ont, ce qu'ils vivent. Donc, si on ne passe que quelques heures avec eux, on ne peut saisir que le côté superficiel des choses.

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Aujourd'hui, 14h, Cinéma du Parc.

Au cinéma Excentris à compter du 5 décembre. En VOD sur les sites onf.ca et cinemaexcentris.com à compter du 5 décembre.