Présenté dans la section «Territoires» des Rencontres internationales du documentaire de Montréal, le long métrage danois Expedition to the End of the World entraine le spectateur au coeur de fjords du nord-est du Groenland uniquement accessibles quelques semaines par année.

Accompagné par le cinéaste Daniel Dencik, un équipage bigarré de scientifiques et d'artistes s'est rendu dans ce «bout du monde» à bord d'un voilier sorti directement d'un film de pirates. Les découvertes faites sur place ont forcé les explorateurs à revoir complètement leur sens des valeurs. Au premier rang, M. Dencik propose une lecture de la terre et de l'humanité qui est tout, sauf cataclysmique.



La Presse
s'est entretenue par courriel avec le réalisateur.



Q : Quel était votre but en faisant ce film?


R : Au départ, il n'y avait aucun but prédéfini. Ni les scientifiques, ni les artistes, ni les membres de l'équipe cinéma n'étaient animés par un but quelconque. Ma seule motivation était de pouvoir me rendre dans cet endroit retiré. C'était une opportunité que peu de gens peuvent avoir. En Amérique du Nord, les jeunes garçons rêvent sans doute de devenir cowboys et de conquérir l'Ouest. Au Danemark, les enfants rêvent à explorer des coins inhabités du Groenland.



Q : En faisant référence au bout du monde, le titre de votre film suggère un concept géographique. Mais il est aussi question du bout de notre savoir. Qu'en dites-vous?

R : Il est intéressant de se retrouver dans un endroit où toutes nos connaissances sont remises en question. Notre civilisation s'appuie sur nos connaissances et sur l'information mais, en même temps, nous devons accepter que nous ne savons pas pourquoi nous sommes sur terre. Lorsque nous évoquons la fin du monde, nous voulons aussi faire référence à la fin de notre monde tel que nous le connaissons et qu'après cette fin, quelque chose de neuf surgira. Nous, les humains, croyons être au centre de tout et que notre environnement est périphérique. C'est le contraire. La nature et la vie sont au centre d'un univers dans lequel nous sommes en périphérie. Nous avons cette pensée mégalomaniaque que nous pouvons détruire la vie mais nous ne serons jamais capables de le faire.



Q : L'équipage de l'expédition est hétéroclite. Quel est le lien entre tous les passagers?

R : C'est l'Arche de Noé, version humaine! Chaque membre de l'équipe représente une profession mais aussi une personnalité. L'artiste allemand est comme la carte spéciale (joker). L'archéologue est un personnage tragique digne d'une pièce de Shakespeare. Quant au géochimiste, on dirait qu'il sort directement d'une pièce de Beckett.



Q : Avez-vous le sentiment d'être ressorti transformé de ce voyage?

R : Oui. J'ai réalisé que cette planète est un endroit froid et isolé. Face à cela, l'humanité a réussi à créer quelque chose d'incroyablement réconfortant et de beaux avec ses villes et ses agglomérations. Chaque jour, je suis frappé par la beauté du génie humain en architecture ou par le simple fait de pouvoir me commander une tasse de café.

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Aujourd'hui à 18h45 au Cinéma Excentris (salle Cassavetes).

Expedition to the End of the World: beau et festif

Une goélette, un journal de bord écrit à la main, des objets surannés, un capitaine barbu, des blocs de glace cyclopéens s'effondrant dans la mer avec un bruit dantesque.

Bienvenue dans le nord du Groenland où, quelques semaines par année, s'ouvre un passage vers des fjords à ce jour inexplorés.

Un groupe bigarré de scientifiques et d'artistes s'y est rendu, accompagné du cinéaste danois Daniel Dencik. Ce dernier en a tiré un documentaire qui prend plusieurs directions sans pour autant s'égarer.

Le film nous offre durant quelques minutes des images pastorales, lunaires et bibliques de ce bout du monde pour ensuite retomber dans des scènes pratiquement puériles. La musique est à l'avenant, passant du Requiem de Mozart à du heavy metal terrifiant.

Les préoccupations écologistes des personnages sont évidentes, mais le traitement de l'ensemble est aussi ludique que critique. Beau et festif.