Il y a un an presque jour pour jour, le monde avait les yeux tournés vers Attawapiskat. Minée par une crise du logement sans précédent, la réserve crie de la Baie-James venait de décréter l'état d'urgence et d'appeler la Croix-Rouge à la rescousse.

En plus de mettre le gouvernement Harper dans l'embarras, cet épisode a levé le voile sur les épouvantables conditions de vie des autochtones du Grand-Nord. Mais le mouvement de sympathie ne s'est pas généralisé: passé le choc initial, beaucoup de Canadiens ont accusé les habitants d'Attawapiskat d'être responsables de leur propre malheur.

Ces réactions ont fait hurler la cinéaste d'origine abénaquise Alanis Obomsawin qui était dans la région à la même époque, pour un film de l'ONF. Afin de remettre les pendules à l'heure, la réalisatrice a mis de côté son projet en cours et tourné Le peuple de la rivière Kattawapiskak, qui sera présenté demain aux RIDM.

«J'avais déjà vu des situations insupportables. Mais là, c'était pire que pire», raconte Alanis Obomsawin, qui est bien connue pour son oeuvre pro-autochtone engagée depuis la fin des années 60.

Vue de l'intérieur sur une réalité inacceptable, Le peuple de la rivière Kattawapiskak donne un visage humain à une tragédie que beaucoup d'entre nous n'ont suivie que par médias interposés. On y rencontre des hommes, des femmes et des enfants vivant dans des conditions dignes du tiers-monde, entassés dans des maisons mobiles ou des bâtiments en état de décomposition avancée, avec tout juste l'eau courante, alors que dehors il fait -50 degrés. Sommes-nous en Mongolie? Au Kazakhstan? Surprise, c'est l'Ontario....

En Inde ou en Afrique, la situation nous surprendrait moins. Mais on reste toujours ahuri de voir qu'un tel drame se déroule ici, pratiquement dans notre cour. Selon Mme Obomsawin, cette situation est d'autant plus tragique que beaucoup de gens de l'extérieur n'ont pas hésité à juger ces hommes et ces femmes ignorés de tous, qui ont tout juste gardé assez de fierté pour tenir debout.

«On a dit des choses très laides sur Facebook et dans la presse. Il y a eu des accusations publiques. C'était désobligeant», raconte la réalisatrice. Qui ajoute dans la foulée que «les citoyens ne savent rien de ce qui se passe dans une réserve, mais ils jugent tout».

Un an plus tard, les choses se seraient grandement améliorées, selon la cinéaste. En plus d'une nouvelle école - attendue depuis au moins 15 ans -, une centaine de maisons mobiles ont été bâties au cours des derniers mois. Mais ce n'est pas une raison pour «laisser faire», dit-elle, en soulignant que la réserve a «encore besoin de 300 maisons». Après, peut-être, pourra-t-on parler de conditions acceptables, selon la norme canadienne.

____________________________________________________________________________

The People of the Kattawapiskak River, demain à 14h30 au Cinéma Parallèle.