Même si le dictateur Nicolae Ceausescu est mort sous les balles d'insurgés le matin de Noël 1989, la Roumanie est aujourd'hui encore un pays sous psychanalyse.

Voilà ce qui se dégage du film Après le silence réalisé par la documentariste française Vanina Vignal et présenté aux Rencontres internationales du documentaire de Montréal (RIDM).

Film intimiste, Après le silence fait la démonstration que les stigmates de la dictature communiste demeurent aussi présents dans la conscience collective roumaine que les traces de balle sur les murs. Mais contrairement aux traces de balles, on ne les montre pas.

C'est le cas de la famille de Ioana, amie très proche de la réalisatrice. En tournant un film sur la famille de celle-ci, oeuvre s'inscrivant dans une démarche plus large sur l'impact des années Ceausescu sur différentes classes, Mme Vignal a découvert qu'un immense secret entourait l'histoire du grand-père maternel de Ioana. Selon la version de celle-ci, l'homme avait vécu et était mort dans des circonstances ordinaires. Mais après avoir interrogé Rodica, la mère de Ioana, la réalisatrice a découvert une réalité beaucoup plus tragique.

Le cas n'est pas unique. Il ferait partie de l'héritage secret d'un nombre incalculable de familles roumaines.

«Le grand-père était au mauvais moment au mauvais endroit, dit Mme Vignal rencontrée au Festival international du film francophone de Namur, en Belgique. La honte, le secret, le mythe auront marqué ces familles. Mon film expose comment la grande histoire s'est engouffrée dans leur petite histoire familiale et a créé tout ce silence.»

Celui-ci ne s'arrête pas à Ioana. Sa propre fille, Teona, 11 ans, suit les mêmes ornières. Lorsque Vanina Vignal lui pose des questions sur l'histoire familiale, Teona répond : «Ça me brûle les lèvres, mais je ne pose pas de questions.»

«Teona dit qu'elle s'en fiche, qu'elle ne veut pas savoir, ce qui n'est pas vrai. Lorsqu'elle m'a dit cela, j'ai eu l'impression de voir Ioana», analyse Mme Vignal qui, adolescente, a vécu à Québec et qui est également juge dans la section des courts métrages des RIDM.

Selon elle, les blessures de l'ère communiste mettront autant de temps à guérir que celles de la Seconde Guerre mondiale. On parle de générations. «Nous, les Français, commençons à peine à regarder des choses comme la collaboration. On a beaucoup de mal encore à parler de tout ça. Ce sont de vrais secrets de famille. Alors, vous imaginez les dictatures communistes qui ont sévi dans plein de pays!»

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Après le silence est présenté aujourd'hui à 17h30 et dimanche à 14h à la salle Fellini de l'Excentris.