Que faut-t-il retenir de notre entrée dans le 3e millénaire? L'Américain Brady Corbet propose une chronique des vingt années écoulées dans un film présenté mardi à Venise où Natalie Portman en popstar scintillante incarne une enfant du siècle.

Présenté en compétition à la Mostra, Vox Lux s'ouvre sur une tuerie de masse en 1999 dans un lycée des États-Unis, pays qui voit régulièrement ses enfants se transformer en meurtriers.

1999 c'est aussi l'année d'une des plus tristement célèbres tuerie dans une école, celui de Colombine, dans le Colorado, où douze élèves et un professeur tombèrent sous les balles de deux de leurs camarades.

«J'ai grandi dans le Colorado, j'habitais près de Colombine, cela a marqué ma vie mais j'ai décidé de ne pas relier clairement le film à l'événement, je ne voulais pas exploiter une tragédie donc j'ai voulu généraliser», a expliqué lors d'une conférence de presse le trentenaire Brady Corbet, qui avait 10 ans au moment du massacre.

Le jeune réalisateur, dont c'est le deuxième long métrage (après L'enfance d'un chef en 2015) a expliqué récemment à la presse que la genèse de Vox Lux était aussi à chercher dans les attentats de Paris en 2015.

«Je travaillais sur L'enfance d'un chef à Paris, j'y habitais au moment des attaques du Bataclan. Mon enfant avait cinq mois à l'époque et ma femme et moi avons été secoués», a-t-il déclaré.

«C'est comme si s'était arrivé dans mon jardin, un des restaurants qui a été frappé était un endroit où nous allions plusieurs fois par semaine», a-t-il ajouté.

Le massacre du film sert de point de départ à l'histoire de Céleste (jouée enfant par Raffey Cassidy et adulte par Natalie Portman), une élève du lycée gravement blessée et qu'une chanson, qu'elle écrit à l'occasion du drame, va transformer en icône pop adulée.

«Guerre civile»

D'un bond, le film nous transporte en 2017, survolant 15 années où le monde a profondément changé, subissant des mutations sociales et culturelles dont Céleste est le symbole.

Présente à Venise, Natalie Portman a expliqué qu'il ne s'agissait pas d'un «film à message» mais plutôt d'un «portrait, une réflexion sur notre société à l'intersection entre culture pop et violence».

«Je m'intéresse aux questions relatives à la violence, à ce qu'elle produit chez les individus et à la psychologie de masse parce je viens d'un endroit où les gens ont été confrontés à la violence pendant longtemps», a déclaré l'actrice née à Jérusalem il y a 37 ans.

«Je pense que nous vivons une sorte de guerre civile aux États-Unis avec un impact psychologique pour les enfants qui vont à l'école et les parents qui les accompagnent tous les jours», a ajouté l'actrice israélo-américaine, oscarisée en 2011 pour son rôle dans Black Swan.

Le Britannique Jude Law et l'actrice franco-britannique Stacy Martin (Nymphomaniac) complètent la distribution du film en lice pour le Lion d'or qui sera décerné samedi.

Le réalisateur Brady Corbet, qui compte aussi une quinzaine de films comme acteur à son actif (dont Funny Games en 2007, de Michael Haneke), a expliqué avoir voulu transposer le style et le ton «sardonique» de L'homme sans qualités, roman inachevé de l'Autrichien Robert Musil, publié en 1932.

«Le XXe siècle a été défini par la banalité du mal et je pense que je XXIe siècle sera défini par l'apparat du mal», a déclaré Brady Corbet aux journalistes. Il a assuré avoir fait «de son mieux» pour que son film soit «une chronique du début du siècle».

La chanteuse australienne Sia, associée à l'icône pop des années 60 Scott Walker, a signé la bande son de Vox Lux où Natalie Portman, en costumes scintillants et maquillage qui n'est pas sans rappeler Black Swan, danse sur les chorégraphies de son mari, le Français Benjamin Millepied. «On a pu travailler à la maison...», a plaisanté l'actrice.