Critiquée pour son faible contingent féminin en compétition malgré la vague #metoo, la Mostra de Venise s'est rachetée jeudi avec un film d'époque signé Yorgos Lanthimos, qui met en scène un trio de femmes complexes et avides de pouvoir.

Premier film historique du réalisateur grec, The Favourite se déroule à la cour d'Angleterre sous le règne de la reine Anne (1702-1714). Alors que le royaume est en guerre contre la France, deux femmes se lancent dans une lutte sans merci pour obtenir les faveurs de la reine, la dernière de la maison Stuart, incarnée par Olivia Colman.

La première, Lady Sarah (Rachel Weisz), conseillère en titre de la souveraine, voit son statut vaciller lorsqu'arrive à la cour Lady Abigail (Emma Stone), prête à tout pour prendre sa place.

Un film d'époque donc, avec ses décors et costumes somptueux, mais une histoire universelle, estime Yorgos Lanthimos, qui dit avoir travaillé neuf ans sur le projet.

«Quand je suis tombé sur cette histoire et le scénario original, j'ai senti que c'était intéressant en soi mais le fait de pouvoir créer trois personnages de femmes très complexes, ce qui se voit rarement au cinéma, m'a convaincu», a expliqué le cinéaste de 45 ans en conférence de presse.

«Tout ce qu'on apprend sur la politique ou la guerre est essentiellement vu à travers elles. Nous avons beaucoup simplifié car l'important était de comprendre comment leurs opinions, leurs décisions, voire leurs humeurs, pouvaient affecter les vies de millions de gens, une idée qui me semble intemporelle», a-t-il ajouté.

Complots, mensonges, intrigues, poison: tous les coups sont permis pour devenir la «favorite», et les deux courtisanes vont jusqu'à se glisser dans le lit de la reine.

Parallèle avec Hollywood?

En pleine vague de libération de la paroles des femmes victimes d'agressions sexuelles, le film semble arriver à point nommer à Venise, alors que la Mostra a été critiquée pour la sous-représentation des femmes dans la compétition (une seule cinéaste, contre 21 réalisateurs, est en lice pour le Lion d'or).

«Les femmes sont souvent présentées au cinéma comme des femmes au foyer, des petites copines ou des objets de désir, alors je pense que notre modeste contribution les montre comme des êtres humains complexes, qui peuvent être aussi bien merveilleux qu'horribles», a souligné Yorgos Lanthimos qui compte une dizaine de longs métrages à son actif.

Son très remarqué The Lobster avait remporté le Prix du jury à Cannes en 2015 avant d'être nommé aux Oscars pour le meilleur scénario.

Faut-il voir dans The Favourite, applaudi en matinée à la projection réservée à la presse, un parallèle entre la cour d'Angleterre d'il y a trois siècles et Hollywood?

«Oui!» a lancé Emma Stone, qui fait son retour à Venise deux ans après La La Land, de Damien Chazelle, qui lui avait valu le Lion d'or puis l'Oscar pour son interprétation.

«Je ne sais pas s'il s'agit de rivalité, il y a sûrement un esprit de compétition mais je pense que cela existe dans la plupart des entreprises», a précisé l'Américaine de 29 ans, dont l'interprétation joue beaucoup avec les regards et les silences.

Parfaite en monarque à la fois capricieuse et cynique, à la limite de l'hystérie, Olivia Colman incarnera aussi Élizabeth II (succédant à Claire Foy) dans la prochaine saison de la série The Crown produite par Netflix.

«Deux reines la même année, mais elle ne se ressemblent pas vraiment, et je ne pense pas qu'Elizabeth ait appris quoi que ce soit de la reine Anne», a plaisanté l'actrice britannique de 44 ans.