Samedi, la production la plus courue du jour à la Mostra de Venise n'empruntait pas la forme d'un long métrage. Les festivaliers n'en avaient que pour The Young Pope, cette série créée et réalisée par Paolo Sorrentino. Comme plusieurs de ses plus éminents collègues, Scorsese, Soderbergh, Haynes et bien d'autres (Allen, Vallée et Dolan aussi bientôt), le réalisateur de La grande bellezza, film ayant remporté de l'Oscar du meilleur film en langue étrangère en 2014, se tourne vers la télé. Le cinéaste italien a conçu une série de prestige en 10 épisodes, coproduite par trois des plus grandes chaînes spécialisées internationales : HBO, Canal Plus et Sky.

Les deux premiers volets ont été présentés en primeur mondiale, hors concours. Ce fut du plus bel effet. Rarement a-t-on pu voir une oeuvre mêler avec autant d'habileté l'irrévérence et la réflexion, l'humour grinçant et les questions sur la foi. Si les épisodes subséquents - il y en aura 10 en tout - sont à la hauteur des premiers, que voilà la promesse d'une excellente série.

Autour de Jude Law, qui incarne Pie XIII, le premier pape américain de l'histoire, gravite une distribution internationale de laquelle font notamment partie Diane Keaton, Silvio Orlando, Cécile de France, Javier Cámara, James Cromwell et Ludivine Sagnier.

Le tout premier épisode débute sur une image surréaliste, à la fois forte et troublante : un bébé se promène sur une montagne d'autres bébés, du dessous de laquelle s'extirpera le jeune pape. Devant lui apparaîtra la place Saint-Marc de Venise, complètement déserte.

AU-DELÀ DE LA PROVOCATION

La part inconsciente du jeune souverain pontife (47 ans à peine !), qui se retrouve à cette position par un concours de circonstances, occupe d'ailleurs une grande place dans cette entrée en matière. Cela nous donne droit à des scènes particulièrement réjouissantes. Dans un discours fantasmé aux fidèles, Pie XIII met en effet de l'avant des idées qui vont complètement à l'encontre des préceptes traditionnels de la religion catholique. « Masturbez-vous ! », clame-t-il en outre, non sans avoir aussi prêché pour la contraception, le droit à l'avortement, le mariage entre personnes de même sexe, toutes les formes de procréation, le droit au sexe pour du sexe, ainsi que l'accès à la prêtrise pour les femmes. Un discours qui, on s'en doute, causera toute une commotion dans la confrérie des cardinaux. Enfin, chez ceux qui n'auront pas perdu « connaissance » avant...

Cela dit, le récit laisse quand même entrevoir une oeuvre allant bien au-delà de la provocation et de l'humour caustique. Prisant en réalité des valeurs très conservatrices, ce nouveau pape compte en mener large. Sa volonté de s'occuper lui-même des affaires du Vatican laisse en outre deviner plusieurs pistes d'intrigues. The Young Pope serait-il un House of Cards papal ? On attend la suite avec impatience.

Les journalistes italiens ont en tout cas accueilli chaleureusement les membres de l'équipe lors de leur arrivée dans la salle des conférences, particulièrement Paolo Sorrentino.

COMME UN LONG MÉTRAGE

Le cinéaste a déclaré ne rien craindre du Vatican ni se soucier vraiment de sa réaction. « S'il y a un problème, il sera de leur côté, pas du mien. Je souhaite quand même que, s'ils regardent, ils le fassent jusqu'au bout. Le travail a été fait avec rigueur et honnêteté. Toutes les contradictions de la religion sont explorées à travers les particularités de ce pape pas comme les autres. »

Paolo Sorrentino estime par ailleurs que The Young Pope est un long métrage de 10 heures. Il l'a tourné comme tel.

« À mes yeux, il n'y a aucune différence. C'est comme un film de cinéma qui sera diffusé à la télé. Mon approche est exactement la même sur le plan de la mise en scène. Dans une série, nous avons toutefois l'occasion d'approfondir les personnages et de nous offrir quelques parenthèses. »

De son côté, Jude Law ne s'attendait certainement pas à revêtir un jour la soutane du pape.

« Je connaissais le scénario, et l'idée de travailler avec Paolo m'intéressait beaucoup, a souligné l'acteur. Puis, tout à coup, j'ai réalisé que je devais jouer le pape ! Ce n'est vraiment pas évident. Comment le rendre crédible ? »

Le cinéaste a trouvé la bonne phrase à dire, selon la vedette.

« J'ai compris peu à peu comment composer le personnage le jour où Paolo m'a dit qu'il s'agissait de l'histoire d'un homme qui s'adonne à être pape. J'ai aussi été très intéressé par le tiraillement entre la vie publique et la vie privée. Pour un pape, cette question se pose de façon très particulière ! »

En Amérique du Nord, la série The Young Pope sera diffusée sur la chaîne spécialisée HBO. Aucune date n'a toutefois encore été fixée.

Photo Alessandro Bianchi, Reuters

Sous la direction de Paolo Sorrentino, c'est Jude Law qui incarne le pape Pie XIII.