Histoire âpre de solitude et de sexe entre hommes se nouant à Caracas, Desde allà, premier long-métrage du Vénézuélien Lorenzo Vigas, s'est inscrit par surprise jeudi parmi les favoris à la Mostra de Venise.

Ce film au rythme lent, marqué par les silences et les contrastes entre un monde intime aride et un extérieur plein de vie, a été longuement applaudi en projection de presse.

Les interprétations du Chilien Alfredo Castro, qui joue Armando, un homme de classe moyenne d'une cinquantaine d'années, et du Vénézuélien Luis Silva, magistral dans le rôle d'Elder, un adolescent violent et charismatique, ont été particulièrement remarquées.

«Desde allà» n'est que le premier film de Lorenzo Vigas, 48 ans, qui jusqu'à présent n'avait réalisé qu'un court-métrage («Les éléphants n'oublient jamais», en 2004), et qui travaille depuis des années sur le thème de la paternité, ou plutôt de son absence.

«L'Amérique latine est un continent où le père est absent, c'est quelque chose qui fait partie de l'inconscient collectif, de l'archétype qui définit les Sud-Américains», explique Vigas, confiant qu'il entretenait pour sa part une excellente relation avec son père Oswaldo Vigas, artiste plasticien reconnu.

C'est vrai que je suis «obsédé par ce sujet», a souligné le réalisateur, auteur de nombreux documentaires, et qui s'est très bien entouré pour ce film.

Son scénariste est le Mexicain Guillermo Arriaga (Babel, Trois enterrements, 21 grammes), également producteur, et son acteur Alfredo Castro est l'emblème du cinéma latino-américain indépendant et engagé.

Sa quête de jeunes hommes aux arrêts de bus, à qui il propose de l'argent en échange d'un peu de compagnie, son habitude d'espionner un homme âgé lié à son passé, son incapacité à communiquer, au point qu'il ne se laisse pas toucher... Tous ces éléments propres à la vie d'Armando sont une façon d'évoquer la distance, et le manque.

«Deux mondes différents»

La rencontre entre Armando et Elder, le leader adolescent d'une bande de délinquants basée dans l'un des quartiers les plus dangereux de Caracas, extraverti, arrogant et violent, dont le père est en prison, va les changer l'un et l'autre pour toujours.

«Mon film parle toujours du manque d'affection et d'émotion dans toutes les strates de la société», explique Vigas, qui a eu l'audace d'intégrer à son film une scène de sexe entre deux hommes si crue qu'elle fera date.

«Il me semblait intéressant que le film explore ce thème de l'homosexualité, étant donné que l'Amérique latine est très conservatrice et largement homophobe», souligne-t-il.

Mais au-delà de ces scènes destinées à provoquer et donc à lancer un débat, le metteur en scène admet utiliser une manière bien à lui de filmer les différences sociales, illustrées dans le film par des images floues et des bruits hors champ.

«Cela a été comme si je filmais deux mondes différents», assure Vigas, expliquant avoir tourné les scènes du film dans les rues de Caracas, sans autorisation, sans contrôle du trafic automobile, en slalomant entre les piétons.

Les contrastes entre ces deux mondes sont emblématiques d'un pays, voire d'un continent.

«La tension sociale et politique au Venezuela marque encore plus la division entre les classes sociales», reconnaît le réalisateur.

Son jeune acteur, dont l'interprétation magistrale en fait un candidat sérieux pour le prix Marcello Mastroianni du jeune espoir masculin, vient lui aussi d'un quartier modeste de Caracas, et lui non plus n'a pas connu son père.

Impressionné par son talent, Vigas voit en lui le prochain Gabriel Garcia Bernal.