Quand Charlie Kaufman, scénariste des géniaux Eternal Sunshine of the Spotless Mind et Being John Malkovich, s'attelle à son premier film d'animation, ça donne Anomalisa, présenté mardi à la Mostra de Venise, dans lequel un homme tente de rompre sa solitude.

Coréalisateur du film avec Duke Johnson, Charlie Kaufman, dont c'est le premier pas dans l'animation, a mis deux ans avant de réussir à le tourner.

Anomalisa, chaleureusement applaudi lors de la projection de presse à Venise, a en partie été financé grâce à une campagne de financement participatif via le site Kickstarter. Chacun des 5770 contributeurs, qui ont versé 406 237 $ au total, est remercié un par un à la fin du générique.

Cincinnati, aux États-Unis: Michael Stone (avec la voix de David Thewlis), la quarantaine quelconque, vient donner une conférence dans cette ville, à la suite du succès de son manuel sur comment améliorer le service client d'une entreprise.

Il a laissé femme et enfant à Los Angeles et dans sa chambre d'hôtel anonyme, se sent seul.

Sur l'annuaire, il retrouve le numéro d'une femme, Bella, qu'il a lâchement quittée, sans lui donner d'explication, dix ans auparavant, et dont il relit sans cesse la lettre d'insultes.

Il l'appelle mais leurs retrouvailles tournent court et Michael retrouve la solitude de sa chambre d'hôtel.

C'est alors que par hasard, en entendant dans le couloir une voix qu'il croit reconnaître, il tombe sur deux jeunes femmes, deux amies venues écouter sa conférence.

L'une d'elles, Lisa, qui le trouve «si intelligent», l'attire tout particulièrement. Le film s'attarde alors sur cette rencontre entre deux solitudes, dont la voix de Lisa (Jennifer Jason Leigh, en version originale) est l'une des clés.

Quand Lisa se met à chanter Girls Just Wanna Have Fun de Cindy Lauper, Michael est bouleversé.

La voix de la jeune femme est la seule, avec la sienne, qui soit différente de toutes celles des autres personnages du film, «interprétés» par le même acteur, Tom Noonan.

Michael pense alors avoir trouvé son âme soeur et la jeune femme, qu'une cicatrice au visage rend timide et peu confiante en elle, accepte de coucher avec lui, dans une scène de sexualité qui apparaît comme l'une des plus «vraies» vues au cinéma, en dépit de son caractère «animé».

Mais au petit matin, Michael fait un cauchemar, dans lequel le directeur de l'hôtel lui enjoint de ne pas toucher à Lisa: «Tu peux coucher avec toutes mes employées, toutes, mais pas Lisa!» lui dit-il.

Michael, en sueur, se réveille, mais décide alors de proposer à Lisa de vivre avec lui.

Devant son petit déjeuner, la jeune femme hésite puis, enchantée, donne son accord. C'est alors que la voix de Lisa change, et que Michael panique.

Évoquant une «métaphore, une allégorie», Charlie Kaufman a mis cette situation en relation avec le syndrome de Fregoli, l'hôtel où descend Michael portant d'ailleurs ce nom.

Cette pathologie, du nom du célèbre transformiste italien Leopoldo Fregoli (1867-1936), est de nature psychotique et paranoïaque. Le malade est persuadé d'être persécuté par une autre personne qu'il voit partout, sous différentes formes.

De fait, Michael a l'impression d'être environné toujours des mêmes personnes - il est le seul avec Lisa à avoir une silhouette et un visage aussi bien «dessinés», aux traits aussi «réels».

Son existence vaut-elle la peine? Qui est-il vraiment? Qu'est-ce qu'être humain? Tant de questions que le film, dont le titre est un mélange de cette «anomalie» qu'est l'amour et du prénom Lisa, posent avec brio.