Certains réalisateurs se plaisent dans la controverse, mais Andrew Niccol se serait sûrement bien passé des sifflets ayant accueilli vendredi à Venise son film Good Kill, qui peine à justifier la guerre des drones américains.

Présentée en compétition à la Mostra, à la veille du palmarès, Good Kill a été hué par les professionnels et les journalistes. Selon les plus assidus d'entre eux à cette 71e édition, cela n'était pas encore arrivé cette année.

Des films engagés dans la compétition avec l'intention évidente de faire polémique, comme le sanglant Nobi du Japonais Shinya Tsakumoto et le Pasolini d'Abel Ferrara projeté jeudi, n'avaient pas suscité de telles protestations.

Motif de cette réaction? Le film ne parvient pas à éviter le piège du manichéisme, provoquant même quelques rires entendus à la fin de la séance.

Good Kill met en scène un ancien pilote de l'armée américaine, Tommy Egan (Ethan Hawke), reconverti à contre-coeur en pilote de drone, expert dans l'extermination chirurgicale des talibans depuis une base aseptisée et climatisée du désert du Nevada, accolée à Las Vegas.

Il montre aussi comment l'armée cherche moins à recruter des pilotes de chasse que de jeunes virtuoses de la console de jeux.

Bourré d'états d'âme sur le sens de sa mission, Tommy Egan obéit toutefois aux ordres, larguant à 11 000 kilomètres de distance des missiles sur des silhouettes portant des turbans, identifiées comme des menaces «imminentes» pour l'Oncle Sam, et qualifiées de «terroristes».

Problème: il arrive aussi qu'on lui donne l'ordre de frapper des cibles civiles, femmes et enfants compris, au nom de l'intérêt supérieur de l'Amérique.

Après chaque tir, la hiérarchie demande à l'exécutant de faire froidement le décompte des pertes sur son écran de contrôle. Et une fois sa besogne achevée, tel un fonctionnaire, il quitte son champ de bataille sur console vidéo et rentre chez lui retrouver sa famille.

Mais il s'interroge: dans quelle mesure ne contribue-t-il pas, en cherchant à les éliminer, à créer les nouveaux terroristes d'une guerre sans fin?

«Si nous ne les tuons pas (sous-entendu les terroristes), ce sont eux qui nous tuent», tente de justifier, en vain, son commandant.

Peu à peu, l'exécutant se déconnecte du monde réel, délaisse sa famille, s'adonne à la boisson. À côté, l'insouciante Las Vegas scintille...