Premier compositeur de musiques de films à présider le jury de la Mostra de Venise, le Français Alexandre Desplat espère que le 71e Lion d'or, qu'il remettra samedi soir, sera un film «hors du commun» associant «une technique irréprochable à un discours humaniste».

«Je souhaite que nous y parvenions. Nous sommes neufs jurés, tous des professionnels avec des points de vue arrêtés. Alors on essaie d'argumenter», explique dans un entretien exclusif à l'AFP Alexandre Desplat, auteur de près d'une centaine de bandes originales dont celle de Philomena, de Stephen Frears, film primé l'an passé à Venise.

«Y a-t-il vingt chefs d'oeuvres dans cette sélection? Je n'en suis pas sûr, et heureusement d'ailleurs parce qu'on ne peut pas imaginer qu'il y ait vingt chefs d'oeuvre dans chaque sélection de chaque festival», argumente ce cinéphile de toujours, choisi par le directeur de la Mostra, Alberto Barbera, «pour sa grande connaissance du 7e art mais aussi pour son charisme», avait expliqué ce dernier à l'AFP avant le coup d'envoi du festival.

«Une sélection, c'est la photographie de ce qu'est le cinéma mondial en un moment précis. Elle était peut-être différente en mai, peut-être le sera-t-elle plus tard», explique ce quinquagénaire, français par son père et grec par sa mère, qui plaide pour une meilleure répartition des festivals sur le calendrier, une allusion aux dates de celui de Toronto, qui coïncident avec celles Venise, et de Deauville aussi qui n'est pas loin.

«J'engage mon nom»

Il ne viendrait pas à l'idée d'organiser l'US Open en plein Roland Garros», tranche celui qui fut membre du jury du festival de Cannes 2010, présidé par Tim Burton, en rappelant que la Mostra est le plus ancien festival de cinéma dans le monde.

Évoquant son passage sur la Croisette, il explique que, simple juré, sa responsabilité n'était pas la même. «Cette fois j'engage mon nom, qui sera attaché au palmarès de cette édition, même si la décision est collégiale».

Les qualités d'un bon film? «C'est 50% les acteurs, 50% le montage, 50% la photo, etc, etc», plaisante le compositeur de la musique du Discours d'un roi.

«J'ai toujours pensé que le cinéma était un art collectif et que ma part en tant que compositeur était une part parmi d'autres. Certes, elle est un peu différente parce que je suis aussi auteur, le compositeur est le troisième à percevoir des droits d'auteur sur un film avec le metteur en scène et le scénariste».

Et les films où il n'y a pas de musique, un manque? «Je ne suis pas obsédé par le fait d'avoir ou pas une musique dans les films. Beaucoup de films sont autosuffisants. Il m'est arrivé de nombreuses fois en voyant un film la première fois de dire «Je ne suis pas sûr que la musique soit nécessaire»», explique le musicien.

«La musique a deux rôles primordiaux sur un film: la fonction et la fiction. La fonction c'est la vitesse, le rythme, la fiction c'est ce qui crée un univers qui n'est pas dans le film mais autour du film. C'est cet équilibre qui m'intéresse et, s'il n'y a pas de place pour ça, ce n'est pas grave», assure celui qui a mis en musique les images de Stephen Frears, Davis Fincher, Roman Polanski ou encore Jacques Audiard.

Hors de question toutefois d'imposer ses choix à ces monuments du grand écran. «Je fais partie d'une oeuvre collective, certes, mais il n'y a qu'un seul maître à bord, c'est le metteur en scène. S'il ne veut pas de trompettes, je ne vais pas lui proposer une trompette. Je donne mon avis mais c'est lui qui décide. Je peux essayer de convaincre, insister, un peu, mais si c'est non on passe à autre chose».

Samedi soir, dans la grande salle du Palais du cinéma qui a vu passer tant d'étoiles, de Kurosawa à Antonioni, de Brando à Pacino, de Sophia Loren à Bardot, Alexandre Desplat remettra le 71e Lion d'or du doyen des festivals de cinéma en pensant à Riziero Ortolani, compositeur italien aux 200 bandes son (Le fanfaron de Dino Risi) mort en janvier dernier et auquel il se réfère.

«Je penserai aussi aux fondements du cinéma qui sont, selon moi, le fait d'avoir un discours humaniste, une technique irréprochable et un point de vue audacieux. Voilà ce que j'aime au cinéma». Un indice avant le choix final?