L'écrivain français Michel Houellebecq comme vous ne l'avez jamais vu: acteur en plein burn-out dans le film Near Death Experience, il danse et disjoncte, arpente la montagne en tenue de cycliste, joue à l'astronaute, aux billes, parle à sa famille absente et se contemple mort.

Projeté à la Mostra de Venise hors compétition officielle et en salles en France le 10 septembre, ce film ovni, drôle d'objet poétique un peu morbide, est l'oeuvre du tandem déjanté Benoît Delépine et Gustave Kervern (Aaltra, Mammuth avec Depardieu, Le grand soir avec Poelvoorde et Dupontel), dont c'est la septième collaboration.

Near Death Experience - NDE pour les intimes - a été réalisé en une dizaine de jours en Provence, dans le sud de la France, par une petite équipe, avec un seul acteur ou presque: Michel Houellebecq. Le personnage pète les plombs et on y entend l'enfant terrible de la littérature en voix off dérouler les pensées de ce désespéré, à la fois touchant et pathétique.

2014 est l'année du cinéma pour l'auteur des Particules élémentaires puisqu'il jouait déjà son propre rôle dans une comédie loufoque, L'enlèvement de Michel Houellebecq, diffusée fin août par la chaîne de télévision franco-allemande Arte.

Filmé comme un documentaire halluciné, le romancier et poète campe dans NDE un employé de plateforme téléphonique de 56 ans, Paul, victime d'un burn-out. Un vendredi 13, après le journal télévisé de 13 heures et avoir éclusé un «cubi» de vin, il plaque sa famille, enfourche son vélo et s'enfuit dans la montagne en tenue de cycliste moulante qui ne l'avantage pas vraiment...

«M'en fous, je suis mort»

«On ne compte plus les suicides ratés pour cause de déveine», dit le personnage. Au bord du vide et du vertige, au propre comme au figuré, il voudrait passer à l'acte mais hésite à sauter le pas et va connaître des heures uniques en vivant... une expérience de mort imminente.

Dans son roman La carte et le territoire, prix Goncourt 2010, Michel Houellebecq, l'un des écrivains français les plus lus à l'étranger, mettait déjà en scène son propre assassinat.

«M'en fous, je suis mort», clame Paul dans le film après avoir bu l'eau non potable d'une piscine.

On le voit plus tard disputer une partie de billes et de petits cyclistes avec un vagabond. Puis, il réfléchit à sa vie. «C'est là que j'ai merdé, j'ai toujours tout pris au sérieux. J'aurais dû considérer la vie comme ça, une partie de billes entre deux néants».

Comme le héros (Tom Hanks) de Seul au monde apostrophant un ballon, Paul parle à trois amas de pierres qu'il a construit pierre après pierre, symbolisant sa femme et ses deux enfants: «Mieux vaut un père mort qu'un père sans vie». «J'ai toujours eu envie de mourir après avoir baisé», leur dit-il.

Dans une scène ahurissante, Houellebecq danse sur un rock endiablé au sommet de la montagne. Il joue aussi les derviches tourneurs au bord d'un ravin en répétant comme un mantra: «la vie doit être enivrante, la vie doit être enivrante...». Il saute encore, à pieds joints, sur la tente de deux randonneurs affolés, ou mime les premiers pas de l'homme sur la Lune.

Un film hors normes pour les fans du duo Benoît Delépine/Gustave Kervern et ceux de l'écrivain, héraut et héros de la désespérance.