«À Venise, on n'enchaîne pas les rendez-vous tous les quarts d'heure...»: pour rivaliser commercialement avec Cannes ou Berlin, la Mostra s'est dotée d'un marché du film où les affaires se font dans une sérénité toute vénitienne.

«Ici, la distance la plus longue entre le marché du film et les salles de cinéma, c'est 300 mètres, tout est très concentré, contrairement à Cannes ou Berlin où des navettes vous conduisent d'un lieu à un autre», explique, dans un entretien à l'AFP, Pascal Diot, le directeur du marché de film de la Mostra.

«Du coup, les gens sont décontractés, plus disponibles. Ils savent qu'en venant à Venise, ils auront le temps de discuter d'un projet», ajoute ce professionnel chevronné passé par Hachette, UGC, Canal + ou Pathé, avant d'arriver à Venise.

L'argument est-il suffisant pour juger de la réussite de ce rendez-vous d'affaires qui n'en est qu'à sa troisième édition ?

«C'est sûr, on ne sera jamais aussi gros que les autres grands festivals avec des centaines de stands, d'autant que Toronto nous suit de près sur le calendrier (du 4 au 14 septembre). Il fallait inventer quelque chose d'autre à Venise, d'où le concept de réseautage», ces échanges qui laissent le temps au dialogue de s'instaurer, explique Pascal Diot.

De fait, au troisième étage du luxueux Hôtel Excelsior, sur le célèbre Lido, où Visconti tourna Mort à Venise, l'ambiance est plutôt détendue comparée à l'effervescence cannoise.

Sur la gauche, l'«Industry club» est réservé aux producteurs, vendeurs et distributeurs. Plus loin, des stands accueillent tout ce que la planète compte d'organismes de promotion cinéma: le fonds de soutien Eurimages, pour l'Europe, l'Incaa pour l'Argentine, le russe Roskin... Les Chinois aussi sont là.

Et les Américains ? «C'est plus difficile de les faire venir. C'est vrai qu'ils préfèrent Toronto qui est la rampe de lancement des films pour le continent nord-américain», admet Pascal Diot.

Mais l'ogre canadien, qui n'admet sur ses terres que des exclusivités mondiales, ne peut pas tout avaler non plus, d'autant qu'il n'a pas de compétition (si l'on excepte un prix du public), un argument de poids pour attirer les talents.

Tentation de Venise

Cette année, Toronto a donc décidé de lâcher du lest en programmant des films projetés à Venise, mais plutôt en fin de festival.

«Or, sur les festivals longs, tout se joue en général dans les premiers jours, entre le mercredi et le lundi suivant», explique Pascal Diot.

En clair, céder à la tentation de Venise signifie être moins bien placé commercialement à Toronto. Une illustration de la guerre que se livrent ces grand-messes du business cinématographique.

«C'est plutôt une affaire de directeurs de festivals qui jouent à celui qui a les plus gros muscles, mais tout ça n'intéresse pas les réalisateurs ou les acteurs qui viennent à Venise, et encore moins le public», a expliqué à l'AFP le directeur de la Mostra, Alberto Barbera.

Nommé en 2011 à la tête d'une Mostra qui prenait l'eau, ce Piémontais a eu trois exigences, indispensables selon lui pour redresser la barre: une liberté totale sur le choix des films, une réduction drastique des films invités (passés de 160 à 90 cette année) et la création d'un marché du film.

À l'heure du bilan commercial (le marché s'achève mardi), Pascal Diot se dit satisfait de la participation de 1400 professionnels, contre un millier il y a trois ans, et aussi de la venue de 3500 journalistes accrédités, ce qui place la Mostra en deuxième position des festivals les plus médiatisés après Cannes.

«Cela va mieux. Alberto Barbera a reformé la Mostra pour en faire un festival équilibré avec, d'un côté, un marché du film très spécifique et de l'autre, ce qu'il faut de grosses productions et de vedettes, comme Al Pacino cette année», se réjouit Pascal Diot.

«En général, dans les contrats qui les lient avec les studios pour la promotion d'un film, les acteurs américains se doivent d'honorer cinq événements de leur présence, et Venise en fait partie», assure-t-il.