La violence a montré deux de ses visages vendredi à la Mostra de Venise : celui d'une criminalité enracinée dans les montagnes de Calabre et celui de la crise immobilière américaine et des expulsions qui l'accompagnent.

L'Italie a frappé fort pour son entrée en compétition avec Anime nere, un film d'une grande dureté, signé de l'Italien Francesco Munzi, qui montre qu'on n'échappe pas à son passé lorsqu'on vient du pays de la 'Ndrangheta, la mafia calabraise.

Également en lice pour le Lion d'or, vendredi, 99 homes, de l'Américain Ramin Bahrani, nous plonge dans l'atmosphère angoissante de la crise immobilière aux États-Unis.

Violence atavique

Adapté d'un roman de Gioacchino Criaco, Anime nere raconte l'histoire de trois frères nés en Calabre, fils de bergers, proches de la 'Ndrangheta.

Luigi (Marco Leonardi), le plus jeune, est un trafiquant de drogue international. Rocco (Peppino Mazzotta), Milanais d'adoption qui s'est embourgeoisé, est entrepreneur grâce à l'argent sale du premier. Luciano (Fabrizio Ferracane), l'aîné des trois, est resté au pays où il élève des chèvres et se réfugie dans la dévotion et le souvenir douloureux de son père, assassiné des années auparavant.

Leo, son fils de vingt ans, fait partie de la génération perdue, sans avenir. Il a abandonné l'école et lorgne vers la vie apparemment facile de son oncle Luigi.

De ses aînés, il a seulement hérité du goût de la vendetta. À cause d'une banale dispute, il détruit la vitrine d'un bar protégé par un clan rival et ranime une guerre des familles. C'est l'histoire qui se répète.

Francesco Munzi a relevé le défi de tourner dans le village calabrais d'Africo, considéré comme l'épicentre de la 'Ndrangheta.

«Quand je racontais que je souhaitais tourner là-bas, tout le monde tentait de m'en dissuader en me disant que c'était trop difficile, trop inaccessible, trop dangereux», a-t-il déclaré.

De fait, le cinéaste s'est d'abord heurté à la méfiance des habitants qui, peu à peu, ont ouvert leurs portes et même accepté de jouer aux côtés des acteurs professionnels.

«Le film est apparemment la mise en scène d'une guerre entre deux clans mais, en réalité, la vraie guerre couve au sein de cette famille qui est au bord de l'explosion. Plus on avançait dans l'histoire et plus on oubliait la 'Ndrangheta pour arriver à des sentiments universels, à une dimension tragique», a expliqué Francesco Munzi.

Le metteur en scène a aussi expliqué avoir voulu éviter l'écueil d'un énième film sur la mafia. «J'étais précédé par "Le Parrain" ou "Gomorra" et je sentais bien que le terrain était miné. Mais je me suis dit qu'en respectant le roman et la nature du lieu, j'arriverais à faire quelque chose de nouveau».

Un pacte avec le diable 

 Avec 99 homes, le cinéaste américain Ramin Bahrani nous ramène au plus fort de la crise immobilière américaine en décrivant des situations dramatiques au fil d'un récit cynique mais réaliste.

À Orlando, en Floride, Dennis Nash (Andrew Garfield) est un jeune père de famille qui travaille comme ouvrier dans le bâtiment pour nourrir sa famille. Un matin, il est expulsé de sa maison par Mike Carver (Michael Shannon), un agent immobilier véreux, au service des banques, et affamé de pouvoir.

Sans travail et sans toit, Dennis est prêt à tout pour récupérer sa maison, jusqu'à accepter de conclure un pacte avec le diable et de travailler pour celui qui a procédé à son expulsion. Mais il prend vite conscience de la corruption qui règne dans le secteur de l'immobilier.

La violence est partout, ici aussi, comme quand l'agent immobilier sans scrupules constate froidement le suicide du père dans une famille qu'il est venu expulser.

«Ce qui m'a frappé, c'est de voir combien les gens que j'ai rencontrés (pour le film) étaient désireux de partager leur histoire. J'ai senti qu'ils en avaient besoin pour donner du sens à ce qui est irrationnel, et bien sûr injuste», a expliqué Andrew Garfield à la presse.