L'actrice américaine Scarlett Johansson s'est transformée en alien découvrant l'âme humaine pour Under the Skin du réalisateur britannique Jonathan Glazer, en lice pour le Lion d'or.

Présenté aussi mardi à Venise, hors compétition, le très cru Moebius, dernier film du réalisateur sud-coréen, Kim Ki-Duk, vainqueur de la Mostra en 2012 avec Pieta, et trublion du cinéma asiatique.

Dans la peau d'une alien

Avec Under the skin, présenté comme un film de science-fiction, mais qui «n'en est pas un», selon Scarlett Johansson, Jonathan Glazer réalise le pari de parler d'émotions humaines à travers les yeux d'une extraterrestre, vierge de toute sensation et de tout ressenti, qui découvre le genre humain et plus particulièrement la gente masculine.

Cette fiction très esthétisante et poétique, aux images graphiques sorties d'un univers presque liquide, est réalisée par un as du vidéo-clip. Jonathan Glazer a notamment travaillé pour les groupes de rock Massive Attack et Radiohead. L'actrice américaine prend l'apparence d'une femme aux cheveux bruns, très sexy, qui cherche à rencontrer des hommes dont elle absorbe la chair. Mais le réalisateur n'a pas recours à des scènes gore de cannibalisme. Il met en scène la disparition d'hommes entraînés dans une mer de laque noire dans laquelle ils s'enfoncent doucement tandis que l'alien se déshabille devant eux. Privée de toute émotion ou de tout jugement, l'alien finit par faire la différence entre ceux qui sont aimables et les autres et par développer elle-même des sentiments humains...

Tourné en Écosse, en milieu urbain, au bord de la mer et dans une forêt, le film, inspiré d'un livre, campe des hommes joués par des acteurs non professionnels. Les dialogues sont très laconiques, les images réduites à un essentiel poétique sur une bande-son minimaliste.

«L'idée était de parler d'émotions à travers une nouvelle forme de langage», a dit le réalisateur à la presse.

«Tout s'est mis en forme peu à peu dans sa tête, mon expérience a été plus solitaire: la lente découverte de mon identité», a déclaré Scarlett Johansson, cheveux longs, blonds et ondulés, détachés, et vêtue d'un corsage blanc et noir sur pantalon noir.

«Il est question d'abandon de tout jugement, de toute notion ou idée préconçue, puisque mon personnage n'en a pas. C'était difficile au début, car je n'avais aucune référence pour l'interpréter. J'ai dû abandonner ma peur totalement et me mettre en mode reset. Ça a été une bonne thérapie», a-t-elle ajouté.

Moebius: inceste, automutilation et autodestruction

Le maître coréen Kim Ki-Duk a de nouveau fait scandale avec ce nouveau film interdit dans son pays et applaudi à l'issue de la projection à Venise.

Ode à l'autodestruction, métaphore crue, terrible et parfois grotesque du sentiment de culpabilité et de l'obsession du sexe dans notre monde, le film raconte l'histoire d'une famille en pleine crise à la suite de l'adultère du mari. Il comprend notamment de scènes d'amputation à répétition, dénuées de tout dialogue.

«Mes films sont l'interprétation du monde que je vois (...) J'aime les films limpides, je ne peux pas faire autrement», a dit ,désarmant de sincérité, le réalisateur de 53 ans à la presse, auteur aussi du très poétique «printemps, été, automne, hiver...et printemps».

«Je pars du concept de sexe et je le développe dans ses ultimes retranchements», a-t-il ajouté, vêtu de son habituel costume traditionnel ocre et les cheveux ramassés en catogan.