Jon Watts avait 10 ans. Il était assis sur le siège passager de l'auto de sa mère. Mais c'est son ami Travis, du même âge que lui, qui conduisait. Ils croisaient des gens qu'ils connaissaient. Personne ne réagissait. Ils allaient de plus en plus vite. «Je savais que quelque chose n'allait pas, vraiment pas. Et c'est là que je me réveillais», raconte le réalisateur-scénariste au bout du fil.

Ce rêve-là, il l'a fait et refait pendant des années. Et il s'est dit qu'il y avait là matière à faire un film. Cop Car. Qu'il a écrit avec son complice Christopher Ford. Qu'il a bouclé avec un budget de moins de 1 million. Qu'il présente ce soir au festival Fantasia, en compagnie de Kevin Bacon, sa tête d'affiche.

La star de Footloose et de la série The Following incarne ici un flic véreux dont l'auto est volée par deux gamins d'une dizaine d'années qui la croient abandonnée. Et ce qu'ils pensent être une balade magique tourne bientôt au drame. Car le policier veut récupérer sa bagnole. Coûte que coûte. Et ces garçons sont des témoins très gênants. Qu'il faut faire taire. Définitivement.

Nous sommes soudainement chez les frères Coen. Alors qu'on avait commencé le voyage chez Steven Spielberg. Que Jon Watts cite comme l'une de ses grandes influences. «J'aime sa façon de déplacer les caméras. Pour moi, il est le meilleur.» Ainsi, on s'étonne peu quand il indique qu'une de ses influences pour Cop Car est Empire of the Sun, qui mettait en vedette un tout jeune Christian Bale: «Il incarne un enfant innocent qui se retrouve tout à coup dans une situation très adulte.»

C'est ce qui arrive à Travis et Harrison (James Freedson-Jackson et Hays Wellford) dans ce drame qui s'amorce comme une aventure magique façon Stand By Me et se mue en thriller. Aventure toutefois restée magique de bout en bout pour les deux jeunes acteurs, malgré le côté extrêmement sombre et perturbant du récit.

«Vous savez, faire des films est quelque chose en soi de très bizarre. Là, nous étions en compagnie de deux gamins n'ayant à peu près pas d'expérience, qui se retrouvaient à devoir faire semblant de conduire une auto, à faire semblant d'aller très vite. Le véhicule était secoué pour donner l'impression de cahoter sur une route de terre, des ventilateurs leur envoyaient de l'air dans le visage pour faire comme s'ils se déplaçaient à toute vitesse. Bref, pour eux, c'était un jeu.»

Et pour lui? «Je devais veiller à ce que mon niveau d'énergie soit toujours au maximum parce que dès que ça faiblissait, je perdais leur attention et eux, leur concentration. J'étais un peu comme un prof!», rigole le réalisateur. Pour qui la tâche a été plus coulante dans les scènes tournées avec Kevin Bacon. Ce dernier - qui agit aussi ici à titre de producteur délégué - ayant travaillé son personnage en amont. Et avec passion.

Pour incarner ce shérif Kretzer, «il est arrivé avec plein d'idées, il a adopté une démarche particulière, une posture un peu bizarre... et la moustache», note le réalisateur dont le nom a fait les manchettes récemment. Pour tout autre chose.

Spider-Man

Jon Watts a en effet été choisi pour réaliser le prochain Spider-Man. Sortie prévue: 28 juin 2017. Sous le bouclier de Marvel et de Sony, qui ont accepté de s'allier pour ce nouveau reboot de la franchise passée entre les mains de Sam Raimi avant de renaître sous celles de Mark Webb.

Un Spider-Man qui n'a pas encore de titre. Qui a toutefois un acteur principal: le jeune Tom Holland. «Il était formidable dans The Impossible. Il va faire un Peter Parker extraordinaire», indique le réalisateur qui va exploiter l'adolescence du personnage sur un scénario dont l'écriture commencera bientôt. «Nous venons d'engager des scénaristes.»

Ce seraient John Francis Daley et Jonathan Goldstein, auteurs et réalisateurs de Vacation - qui étaient d'ailleurs aussi parmi les candidats pressentis pour ressusciter Spidey, personnage «dont tout le monde est fan: que l'on ait lu ou pas les comics, on a tous voulu un jour être Spider-Man», souligne (avec raison) Jon Watts, très excité par cette prochaine aventure. «Mais le simple fait de travailler en cinéma et payer mon loyer avec ça est déjà un rêve», résume celui qui, à 34 ans, a actuellement deux longs métrages à son actif.

Clown

Le premier, Clown, est un drame d'horreur sorti l'an dernier, également écrit avec Christopher Ford et produit dans des circonstances plutôt inhabituelles: «Chris et moi nous amusions à mettre sur notre page YouTube des trucs bizarres qu'on faisait. Un jour, nous avons imaginé un homme qui essaierait un costume de clown maléfique et serait ainsi transformé en tueur.»

Ils ont décidé d'utiliser l'idée pour faire la bande-annonce d'un film... qui n'existait pas. Et ils ont, pour rigoler, ajouté le nom d'Eli Roth (Hostel, Cabin Fever) à titre de producteur. «Parce qu'il est formidable et parce qu'en voyant son nom, les gens combleraient les trous de la bande-annonce et la rendraient plus effrayante encore avec leur imagination.»

Ce qu'ils n'avaient pas imaginé, par contre, c'est le nombre considérable de visionnements qu'ils auraient. Ni qu'Eli Roth aurait vent de la chose. Et leur téléphonerait. «Sur le coup, j'ai paniqué, raconte Jon Watts. Mais il a été super sympa et a demandé: «Est-ce que vous voulez vraiment faire un film avec ça?» Sûr qu'on voulait!» Quelques mois plus tard, le tournage de Clown commençait à Ottawa.

Bref, la carrière de Jon Watts tient, en ce moment, du rêve. On le lui souhaite récurrent.

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Cop Car prend l'affiche le 7 août.