En première nord-américaine, Fantasia lève le voile sur Yasmine, le premier long métrage issu du sultanat islamique du Brunei. Un film d'art martial, réalisé par une femme, défiant les gros clichés et nos vilains préjugés.

Tout petit pays habité par moins d'un demi-million d'habitants, enclavé par la Malaisie, le Brunei vient de naître d'un point de vue cinématographique. Yasmine est le tout premier film commercial produit là-bas pour le grand écran.

Réalisé par une femme dans un État islamique, ce long métrage familial raconte l'histoire de Yasmine (superbe Liyana Yus), 18 ans, décidée à conquérir un jeune homme en pratiquant le silat, un art martial se rapprochant du kung-fu. Voilà ce qu'on appelle sortir des sentiers battus, mais pas de la réalité, le Brunei n'étant pas l'enfer sur Terre pour les femmes. Porte le voile qui veut et les jeunes parlent une langue parsemée d'expressions... en anglais!

«Yasmine et son père - chef de famille monoparentale strict sans être macho - sont représentatifs de la société brunéienne, révèle la réalisatrice Siti Kamaluddin, venue présenter son film à Fantasia. Il n'y a pas de problème de sexisme au Brunei. Les femmes et les hommes sont sur un pied d'égalité. J'ai fait ce film en tant que réalisatrice et non en tant que femme.»

Avec les mêmes difficultés qui existent à peu près partout pour un premier film défendu par une cinéaste inconnue.

«C'est une étape que tous les cinéastes connaissent, ajoute l'énergique jeune femme. Les difficultés étaient liées au fait qu'il n'y a pas d'infrastructures en cinéma. C'était difficile parce qu'aucune institution ne s'en occupe non plus. Mes premiers fonds sont venus, après deux ans, d'un programme gouvernemental destiné à l'innovation... parce qu'il s'agissait du tout premier film au Brunei!»

Elle a appris son métier en étant assistante pour des films publicitaires. N'empêche que s'asseoir dans la chaise de réalisateur devant une équipe provenant de plusieurs pays demande un certain culot!

«Je n'ai pas souffert de réactions machistes. On m'a à peine reproché de faire un film au Brunei avec des acteurs de Singapour et de Malaisie. Ce à quoi j'ai répondu que Wolverine était bien un superhéros canadien joué par un Australien dans un film américain», dit-elle en s'esclaffant.

Même s'il raconte une histoire typiquement brunéienne, dans une société où les gens regardent des films et écoutent de la musique bien souvent américains, la cinéaste pense que le sujet de son film est universel. Yasmine a d'ailleurs été présenté en Chine, en Corée et en Suisse, où il a remporté un prix.

Parmi ses collaborateurs, la cinéaste a pu compter sur Chan Man Ching, ancien bras droit de Jackie Chan, afin de préparer les nombreuses scènes de combat.

«Le silat possède un style différent même s'il ressemble au kung-fu chinois, explique ce dernier. C'est une culture en soi. Tout est dans la posture et le contact avec l'autre. C'est comme un dialogue des corps.»

Siti Kamaluddin dit aimer cet art martial, en voie de disparition dans son pays, parce qu'il s'agit d'un sport de combat moins violent que bien d'autres.

«Je voulais que les jeunes, en voyant le film, trouvent que le silat est un art martial cool, enchaîne Chan Man Ching. Il n'y a pas de sauts et d'effets spéciaux dans le film. C'est un véritable sport qui demande de la détermination, de la concentration et du coeur.» Comme Yasmine.

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Yasmine est présenté vendredi à 19h50 au théâtre Concordia Hall