Parmi les événements spéciaux de sa 43e édition, le Festival du nouveau cinéma propose la projection de Crimes of Passion, thriller érotique sulfureux de Ken Russell (Tommy, Women in Love) mettant en vedette Kathleen Turner et Anthony Perkins.

À l'époque de sa sortie, il y a 30 ans cette année, la version présentée en salle avait été passablement édulcorée par la production qui voulait absolument obtenir une cote plus grand public. Le FNC présentera quant à lui la version du réalisateur (le director's cut), de quoi réjouir le scénariste du film, Barry Sandler, que La Presse a joint par téléphone à Orlando, en Floride.

En écrivant le scénario, aviez-vous Ken Russell en tête pour la réalisation?

J'ai écrit plusieurs versions et en remettant le scénario final à mon agent, je lui ai demandé de trouver un réalisateur. Déjà à l'époque, Ken Russell avait atteint une grande renommée et j'étais ébloui, comme étudiant en cinéma, par son style original et subversif. Lorsque mon agent a suggéré son nom, j'étais bien excité. Je disais: j'adorerais qu'il réalise le film! Mais après son long métrage Altered States, Russell était réticent à retravailler aux États-Unis où il avait vécu une mauvaise expérience. Or, Russell a lu mon scénario au cours d'un vol et m'a aussitôt appelé à sa descente d'avion pour dire oui. J'étais fou de joie. Durant le tournage, nous avons développé une amitié qui a duré jusqu'à sa mort.

Que vouliez-vous dire à travers cette histoire?

Je l'ai écrite à une époque où beaucoup de gens étaient plongés dans une sorte de révolution sexuelle. Une période où les relations entre les gens s'étiolaient et où l'on explorait le sexe dans le but d'éviter les interactions, l'intimité. Dans leurs relations avec les autres, les gens portaient des masques, prétendaient être ce qu'ils n'étaient pas, etc. C'était un bon sujet à filmer. C'est ce qu'on voit à travers les personnages de China Blue et du révérend Shayne qui ont des comportements hyperboliques, loin de ce qu'ils sont.

À notre époque de médias sociaux, le film serait-il le même?

C'est une question intéressante. Je crois que oui. Les éléments de base du film, que ce soit sur la psychologie de la sexualité ou le fait qu'on se cache derrière des façades, demeurent universels. Lorsque je montre le film à mes étudiants de niveau universitaire, ils comprennent très bien le contexte, ils voient exactement où je voulais en venir.

Comment avez-vous réagi avec la critique de l'époque? Par exemple, avec Roger Ebert qui a qualifié l'oeuvre de film le plus stupide depuis longtemps?

J'essaie de ne pas trop lire les critiques. Mais effectivement, il y a eu beaucoup de tourmente. Il faut comprendre qu'avec la volonté de la production d'obtenir la cote R, le film a subi beaucoup de coupes, de sorte qu'il était très éloigné du canevas original. Lorsque Ebert a vu la vraie version, un an ou deux après la sortie, il a reconnu que c'était un bon film. Quant au reste de la critique, elle était polarisée entre des gens des médias de la contre-culture qui avaient bien aimé et ceux de la télévision ou associés au grand public qui n'aimaient pas.

Entre China Blue, le révérend Shayne et Bobby, les trois personnages principaux, lequel possède l'âme la plus en perdition?

Les trois! Au départ, ce sont définitivement trois âmes perdues. Mais en interagissant les uns avec les autres, les personnages finissent par trouver leur chemin. En un sens, on peut croire que le révérend Shayne est le plus grand perdant de ce trio, compte tenu de son sort à la fin. Mais ce qu'il commet n'est pas en vain. Il veut donner un sens à la vie de China Blue.

Pourquoi confier la trame sonore à Rick Wakeman?

Au montage, nous enchaînions les images sur une musique plus classique et ça ne convenait pas du tout. Rick et Ken (Russell) étaient des amis. Ken lui a demandé d'écrire la trame sonore et lui a fait faire une apparition éclair dans le film. Le choix de Rick était parfait parce qu'il nous fallait une musique non conventionnelle pour un film hors-norme.

Quelle place a Crimes of Passion dans votre carrière?

J'ai longuement travaillé sur le scénario et j'ai longuement travaillé avec Ken sur la préparation et la postproduction du film. Encore aujourd'hui, je le regarde et le présente dans des projections comme au FNC. Alors, il a une place particulière dans ma carrière.

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Samedi, 19 h 30, pavillon Judith-Jasmin (Annexe) de l'UQAM.