La première question qu'on désire poser à Willem Dafoe après l'avoir vu dans My Hindu Friend est : Allez-vous bien ? La transformation physique qu'il a dû subir afin d'endosser le personnage d'un homme qui combat un cancer du système lymphatique est spectaculaire. Sur la terrasse du Sofitel, à Montréal, le sympathique acteur nous rassure.

« En effet, ç'a été un tournage très particulier, dit-il en riant. J'étais à São Paulo, je ne parle pas le portugais. Ma femme était avec moi, mais disons que je me suis bâti un univers très personnel pendant plusieurs semaines. C'était parfois difficile de sortir de cet état. Vous savez, quand vous passez 12 heures sur un plateau de tournage allongé dans un lit d'hôpital, il y a de bonnes chances que vous rêviez à un lit d'hôpital la nuit suivante. »

Pour les besoins de ce film d'Héctor Babenco, Willem Dafoe a dû perdre plusieurs kilos. Pour cela, il a suivi un régime draconien et a cessé de boire de l'alcool pendant des mois. Il s'est aussi fait raser le crâne. « Cela fait partie du métier d'acteur, dit-il. Tu dois te préparer pour un rôle et être prêt à changer beaucoup de choses chez toi. L'acteur doit tout faire en son pouvoir pour s'approprier un personnage. C'est le but à atteindre. Tu dois pouvoir arriver à te dire : "Je suis cet homme." »

Inspiré par la propre histoire du réalisateur, qui a subi une greffe de moelle osseuse en 1995, le film porte les marques de celui qui s'est fait connaître avec Le baiser de la femme araignée. « L'une des maisons que l'on voit dans le film est la maison d'Héctor Babenco, raconte Dafoe. Dans la scène finale, mon personnage regarde une femme danser sous la pluie. C'est la femme de Babenco. »

L'acteur s'est-il quand même senti libre, sachant que cette histoire appartenait à celui qui signait le film ? « Oui, tout à fait. Parfois, j'allais voir Babenco avec des questions, et il me disait : "Je ne sais pas. C'est à toi de trouver. On fait le film ensemble !" Parfois il était très précis, parfois il me laissait aller complètement. »

MENÉ PAR L'AUDACE

Willem Dafoe a une filmographie impressionnante. De The Last Temptation of Christ de Martin Scorsese à Platoon d'Oliver Stone, en passant par Light Sleeper de Paul Schrader et Antichrist de Lars von Triers, son parcours est visiblement mené par l'audace. Où place-t-il ce nouveau film qui pourrait bien lui valoir de prestigieuses récompenses pour sa performance ?

« C'est un grand rôle, c'est un rôle principal, c'est un film spécial pour moi. Il marque une étape, particulièrement depuis la mort de Babenco en juillet dernier [le réalisateur est mort d'un arrêt cardiaque]. C'était un grand réalisateur. »

« Ce n'était pas juste un gars qui faisait des films, c'était un réalisateur avec une approche très personnelle. »

- Willem Dafoe à propos du réalisateur Héctor Babenco, mort en juillet

Le parcours d'acteur de Willem Dafoe est composé de gros succès commerciaux, de films indépendants risqués, de personnages torturés et méchants, mais aussi de comédies légères. Comment fait-il ses choix ? « Cela se fait beaucoup en fonction du réalisateur, dit-il. Oui, tu peux être influencé par le personnage ou le scénario. Mais le scénario change en cours de route et tu ne sais pas totalement ce que donnera ton personnage. Je regarde donc les gens qui vont m'entourer. Ai-je envie de travailler avec cette personne ? C'est la question que je me pose. Si le film ne marche pas, au moins, on peut se dire qu'on a commencé cela avec de bonnes intentions. »

Il est vrai qu'il a fait d'excellents choix depuis qu'il exerce le métier d'acteur. A-t-il toutefois quelques regrets ? « Je ne vis pas tellement avec les regrets, mais c'est sûr que j'en ai. J'ai des regrets d'avoir refusé certains rôles. Mais si je les avais faits, peut-être auraient-ils été moins bons. J'ai aussi des regrets d'avoir accepté certains projets. Mais souvent, ces erreurs t'ouvrent une porte sur autre chose. C'est cela que je regarde. »