Dès aujourd'hui, l'Outremont programme les films orphelins du Festival des films du monde. Raymond Cloutier, directeur général du célèbre théâtre, dit vouloir agir en bon Samaritain.

Un autre revirement de situation. On ne les compte plus dans ce feuilleton qui s'écrit au jour le jour en cette édition anniversaire - et complètement hors normes - du Festival des films du monde (FFM).

Le président du FFM, Serge Losique, n'était pas peu fier d'annoncer hier à La Presse qu'une entente a été conclue avec le Théâtre Outremont. Lequel propose, dès ce matin, plusieurs des films qui, au moment du désistement de Cineplex Divertissement la veille de la soirée d'ouverture (ce qui a entraîné le retrait des sept salles du Cineplex Forum), ont dû être retranchés de la programmation.

La direction du théâtre s'est engagée à présenter des films du FFM dans sa vénérable enceinte jusqu'à dimanche en fin de soirée.

Raymond Cloutier, directeur général et artistique de l'Outremont, explique que cette entente a été conclue de façon très simple.

«Dimanche soir, quelqu'un m'a averti que M. Losique cherchait une salle. J'étais ouvert à l'idée, car le théâtre était libre cette semaine. Nous avions prévu en profiter pour faire du nettoyage et des petits travaux sur la scène. J'ai parlé à M. Losique et je l'ai gentiment invité à organiser des projections dès demain. Je me suis même demandé pourquoi il ne nous a pas appelés avant!»

Par affection pour le FFM

Bien au fait de la crise que traverse le festival, Raymond Cloutier estime que l'opération n'est pas très coûteuse à mettre en place.

«On ne le fait pas gracieusement, car il y a quand même les revenus de la vente des billets. Cela dit, cela n'a rien à voir avec les coûts qu'entraîne l'organisation d'une pièce ou d'un spectacle. Un projectionniste, peut-être un ou deux ouvreurs, et puis voilà!»

L'acteur, qui a commencé sa carrière cinématographique sous la direction de Gilles Carle (Red), ne cache pas son affection pour un festival qui, à une certaine époque, a beaucoup compté dans sa vie.

«Ça me fait plaisir d'aider. Plus jeune, j'ai beaucoup fréquenté le FFM, dès le début. Je dois une partie de ma formation en cinéma à ce festival. Et puis, je trouve aussi qu'on fait un peu la vie dure à Serge Losique. Il me semble que quand quelqu'un est accablé de la sorte, peu importe les raisons, on doit pouvoir lui venir en aide. Devant les faits, et vu que tout le monde l'abandonne, je trouve qu'il est normal de faire quelque chose, d'agir en bon samaritain.»

«Je ne fais que mettre au service des cinéphiles qui veulent voir ces films-là cette salle qui appartient à tous les Montréalais. Pour le reste, on s'arrangera plus tard!»

La nouvelle réjouira sans doute les équipes étrangères qui, n'ayant pas été prévenues à temps, se sont néanmoins déplacées à Montréal, la plupart (sinon toutes) à leurs frais. Les cinéphiles seront de leur côté heureux de retrouver la vocation cinématographique d'un endroit qui, à leurs yeux, revêt un caractère mythique, principalement ceux, plus mûrs, qui l'ont fréquenté dans sa plus glorieuse époque.

«On souhaite que l'Outremont redevienne un point de chute pour le milieu du cinéma, et c'est déjà très bien parti, indique Raymond Cloutier. De plus en plus de premières de films ont lieu chez nous.»

En principe, la nouvelle programmation du FFM devrait maintenant être en ligne sur le site internet du festival. Les détenteurs de passeports seront bien entendu accueillis à bras ouverts. Les billets individuels seront offerts à 10 $.

Vitesse de croisière

Même s'il y a beaucoup de soubresauts à l'extérieur, le festival a malgré tout atteint sa vitesse de croisière à l'intérieur des murs du cinéma Impérial. Hier, on ne comptait pratiquement plus un seul siège libre au parterre pour la présentation de Tatara Samurai, un film en lice pour le Grand Prix des Amériques.

Réalisé par Yoshinari Nishikôri, dont l'opus précédent, Konshin, était aussi passé par le FFM, ce film épique nous entraîne dans le Japon de la fin du XVIe siècle. Dans un village reconnu pour la qualité de l'acier avec lequel on fabrique les épées des samouraïs, un jeune homme (Sho Aoyagi, vedette du boys band nippon Exile Tribe) devient l'unique héritier du secret de fabrication. De facture classique, le film se distingue grâce à ses qualités esthétiques et au souffle romanesque qui, parfois, le traverse. On ne s'étonnera pas si Tatara Samurai se retrouve au palmarès d'une façon ou d'une autre.

Comme un jeu de Clue...

Par ailleurs, la Russie a aussi fait son entrée dans la compétition mondiale. Contribution est un thriller dont l'intrigue - à la manière d'Agatha Christie - est campée en Sibérie, au lendemain de la révolution d'octobre. Les notables de l'endroit sont maintenant devenus des «parias». Un jeune capitaine de l'armée entend imposer sa loi et convoque tout ce beau monde pour réclamer de chacun d'eux une contribution au régime.

Une jeune héritière, très en beauté, fait don d'un énorme diamant, très rare, qui vaut une fortune. Or, le précieux caillou disparaît, ne laissant ainsi au capitaine d'autre choix que d'enquêter sur cette bande de suspects très riches. Dès lors, ce film de Sergey Snezhkin, un vétéran dont les offrandes sont peu connues sur la scène internationale, se transforme en huis clos. Au coeur du récit, une énigme à travers laquelle on pourrait presque deviner les motifs de Miss Scarlett et du Colonel Moutarde si on jouait à Clue. Aussi s'étonne-t-on d'apprendre à la fin que ce film aux allures de théâtre ancien est, en fait, inspiré d'une histoire réelle!