Notre destin est-il tracé dès la naissance? À ceux qui le croient, on déconseillera d'aller voir Tous les chats sont gris, premier long métrage de Savina Dellicour présenté au Festival des films du monde.

Ou plutôt devrait-on leur suggérer d'y courir afin de confronter leurs croyances. Dans ce film belge, on suit le parcours de trois personnes que tout sépare... et que tout lie.

Dorothy (Manon Capelle) est une adolescente en crise identitaire à la recherche de son père biologique. Or, ce dernier, Paul (Bouli Lanners), cherche aussi à prendre contact avec sa fille, contre la volonté de Christine (Anne Coesens), la mère. Attention: éclats en vue!

Votre film aborde plusieurs thèmes: identité, passage à l'âge adulte, paternité, mensonge. Quel thème central vouliez-vous explorer?

Je l'ai découvert en le faisant. En fait, j'ai voulu dire qu'on peut récrire son histoire. À la base, nous sommes conditionnés par beaucoup de facteurs familiaux, sociaux, etc. Mais on a aussi la possibilité de choisir notre famille et de récrire notre destin. C'est ce que dit la dernière scène du film. La famille que je décris est issue d'un milieu bruxellois qui existe, avec ses codes, sa rigidité, ses règles. Avec Paul, Dorothy découvre un autre point de vue sur les choses.

Quel est l'élément déclencheur de cette idée?

Je suis partie du personnage de Paul. En 1999, j'ai commencé à écrire le carnet intime d'un chômeur qui s'embête. Pour se distraire, il fait des enquêtes dont tout le monde se fout. Je n'ai jamais publié ce carnet, mais le personnage de Paul m'est revenu plus tard. Je l'ai repris pour le film parce que je l'aimais bien et j'en ai fait un vrai détective. Dès le départ, il avait une fille qu'il ne connaissait pas, ce qui augmentait son sentiment de solitude. Et au fil de mes recherches sur son travail, je me suis rendu compte que les détectives font la plupart du temps des enquêtes pour des gens qui cherchent des personnes disparues.

La musique du film semble lier chacun des personnages à cette période de la vie où l'on bascule de l'adolescence à l'âge adulte. Qu'en dites-vous?

En travaillant le personnage de Paul avec Bouli Lanners, nous sommes partis du fait, et c'était écrit dans mes dialogues, qu'adolescent, ce dernier écoutait la musique de The Cure. Qu'une fille comme Dorothy écoute aussi cette musique rendait les choses très intéressantes. En retravaillant le personnage de Paul, on a rendu son personnage plus rock, plus punk. On a beaucoup utilisé la musique pour définir son personnage. En vieillissant, il a gardé ce côté jeune, ce lien avec la révolte. C'est une des choses (la musique) qui le lie avec Dorothy.

Parlez-nous du mélange ombres et lumières du film.

Tout le challenge du film était de faire ressortir le malaise dans un monde où tout est beau, bien décoré, à la mode. On l'a fait avec les ombres, mais aussi avec la bande-son. Dans une scène, le bruit d'un frigo cassé fait ressortir ce malaise. Dans les images, les ombres mettent un certain poids sur les personnages tout en les gardant très jolis. C'est ça, le monde bourgeois: des façades très jolies où tout est propre, etc.

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Aujourd'hui, à 11h40, et demain, à 17h, au cinéma Quartier latin, salle 10.