L'écrasante force manufacturière de la Chine, qui inonde l'Occident avec ses mille et un produits made in China, serait-elle devenue, au tournant des années 2010, un tigre de papier, pour employer une expression anti-américaine chère à Mao?

C'est la question qui nous vient à l'esprit au sortir du long métrage Da Gong Lao Ban (Le patron de l'usine), de Zhang Wei, présenté hier en compétition officielle au Festival des films du monde.

Le film, dit le réalisateur, est inspiré d'une situation économique réelle, à savoir l'impact de la crise financière mondiale de 2008 sur les usines chinoises de fabrication de jouets. Des centaines d'entre elles ont fermé leurs portes. Les survivantes ont vu leurs marges de profits réduites à peau de chagrin et les conditions de travail des employés ont été réduites.

L'autre aspect qui nous frappe est ce côté très militant de l'oeuvre, dans laquelle Lin Dalin (Yao Anlian), patron d'une usine en difficulté, en prend pour son rhume. Ses employés sont en grève pour dénoncer leurs conditions de travail et son entreprise est infiltrée par Ai Jing (Tang Yan), journaliste déterminée à dénoncer ses méthodes.

On a beau savoir que la Chine a pris un virage économique inspiré du capitalisme, on demeure étonné par tant de zèle dans la dénonciation. Zhang Wei a-t-il eu de la difficulté à faire avaler un tel scénario aux autorités chinoises?

«Le film a franchi les étapes de la censure, dit le cinéaste avec assurance. Le gouvernement a entièrement approuvé le scénario.»

Mais celui-ci aurait-il été plus difficile à vendre si le gouvernement y avait été vertement critiqué comme le sont ici les patrons d'entreprises?

«Le gouvernement chinois est beaucoup plus transparent et démocratique que dans les années antérieures, répond le réalisateur par l'intermédiaire d'une traductrice. La société s'est bien développée [...]. Aussi longtemps qu'on ne désobéit pas aux lois, c'est correct. Le gouvernement reconnaît qu'il y a des problèmes dans le développement de la société.»

Il faut dire aussi, foi de Zhang Wei, qu'après le creux survenu il y a quelques années, l'économie de la Chine a repris beaucoup de muscle.

Et le public?

En première mondiale à Montréal, le film sortira en salle en Chine au mois d'octobre.

Donc, après l'aval du gouvernement chinois, Zhang Wei soumettra l'oeuvre au jugement du public. Il se sent en paix par rapport aux cinéphiles de son pays, même s'il reconnaît que des défis l'attendent.

«Je ne suis pas inquiet et je ne suis pas trop optimiste non plus, dit-il. Je suis en paix. Il faut mettre du temps pour faire accepter de nouvelles choses au public. À l'heure actuelle, les gens en Chine préfèrent les superproductions ou les films très divertissants. Mais je crois que le public va finir par accepter et aimer les films que je réalise.»

À Montréal, M. Wei est accompagné de ses deux acteurs principaux, Yao Anlian et Tang Yan.

À propos de son personnage de patron, Yao Anlian dit: «C'est un entrepreneur qui poursuit son rêve et il sait prendre ses responsabilités. Mais il est forcé de devenir méchant en raison de la crise. En réalité, c'est un bon gars.»

«Ai Jing est une femme simple, rêveuse, mais en même temps perfectionniste, dit de son côté Tang Yan à propos de la jeune journaliste pugnace qu'elle interprète. Elle veut s'assurer que ce qu'elle rapporte est vrai.»

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Aujourd'hui, à 14h, au Cinéma Impérial