Mathieu Roy a eu l'honneur de lancer hier la compétition mondiale du FFM avec L'autre maison, premier long métrage de fiction. L'auteur-cinéaste québécois, qui s'est notamment distingué grâce à son documentaire Surviving Progress, s'est inspiré de sa propre histoire familiale pour élaborer ce film empreint de sensibilité et de pudeur, dans lequel Marcel Sabourin livre une magnifique performance. Roy Dupuis et Émile Proulx-Cloutier se révèlent aussi solides dans les rôles de deux fils réagissant très différemment à la maladie dégénérative de leur père.

«Je n'ai pas voulu faire une imitation de la réalité de la maladie, expliquait hier Mathieu Roy lors d'une conférence de presse. J'ai plutôt souhaité y aller de touches impressionnistes. En fait, cette histoire se concentre davantage sur les réactions des deux fils face à la maladie de leur père.»

Sur le flanc réaliste, l'expertise du documentariste est néanmoins fort bien utilisée. On retient en outre cette scène où le fils aîné fait visiter à son père un centre où, dans les faits, il pourrait aller finir ses jours. Aucun effet dramatique. La simple vue du décor ambiant est suffisamment éloquente.

Sur le plan plus symbolique, Roy s'attarde à composer de très beaux plans à travers lesquels s'exprime le monde intérieur - parfois très serein - dans lequel vit le patriarche Henri. La musique joue aussi désormais un rôle majeur dans la vie de cet homme de lettres dont les sens peuvent maintenant être plus éveillés au son de quelques notes de piano. L'amoureuse du cadet (formidable Florence Blain Mbaye) étant musicienne, cet aspect est ici bien évoqué.

Cela dit, il est vrai que la relation souvent conflictuelle entre les deux frangins se trouve au coeur du récit. L'un, grand reporter (Dupuis), est souvent à l'étranger; l'autre, de nature un peu plus prompte (Proulx-Cloutier), consacre toutes ses énergies à prendre soin de son père dans la maison familiale située à la campagne. Les discussions «viriles» se font par moments trop systématiques. Et certains épisodes à l'étranger sont un peu répétitifs. Aussi, le dénouement est beaucoup trop étiré.

Justesse remarquable

Ces quelques écueils ne viennent toutefois pas entraver l'émotion, qui subtilement s'installe au détour d'un geste, d'un regard, d'une interrogation silencieuse. À ce chapitre, Marcel Sabourin est d'une justesse remarquable.

«Depuis toujours, je suis un peu perdu dans ma vie quotidienne, expliquait-il hier après la projection. Je n'ai pas de repères. Je me laisse toujours guider vers les endroits où je dois aller. Ce personnage semblait s'intéresser à toutes sortes de choses, malgré sa maladie. C'est mon but dans la vie. Je souhaite être émerveillé par tout, mais je n'y arrive pas parce que je suis trop distrait!

«J'ai en tout cas vécu ce tournage avec beaucoup de bonheur, même s'il y avait des scènes plus difficiles à jouer sur le plan émotif, poursuit-il. On peut être heureux dans l'émotion aussi. Et Mathieu me dirigeait au millimètre près. Ma démarche, en fait, a été de le suivre à la trace, étant donné qu'il a lui-même accompagné son père dans la maladie. Je pouvais m'abandonner facilement.»

De son côté, le producteur Roger Frappier a incité Mathieu Roy à «faire du cinéma». «J'ai dit à Mathieu qu'il fallait du cinéma dans son film, a-t-il fait remarquer. Avec les budgets plus restreints et cette tendance qu'ont les institutions à vouloir faire beaucoup de longs métrages avec peu de moyens, on enlève le cinéma de nos films pour garder seulement l'histoire. Or, il faut faire du cinéma aussi. On trouve plein de plans purement cinématographiques dans le film de Mathieu.»

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L'autre maison de Mathieu Roy. Aujourd'hui, 16h30, au Cinéma Impérial. En salle le 18 octobre.

Photo: David Boily, La Presse

Marcel Sabourin livre une magnifique performance dans le rôle du père atteint d'une maladie dégénérative.