Pour son premier long métrage de fiction, Boucherie Halal, présenté au Festival des films du monde, le réalisateur Babek Aliassa campe son intrigue chez un couple de musulmans, un boucher et sa femme, qui cherchent à faire leur place entre leur famille aux traditions conservatrices et leur communauté d'accueil : Montréal. D'origine iranienne, M. Babek a discuté avec La Presse de la place de son film dans le contexte actuel.

Q : Qu'est-ce qui est à l'origine de votre projet?

R : Au départ, le film devait être centré sur le personnage de Hedi (le boucher; Mani Soleymanlou), un personnage qui a du mal à éclore. Il est capable de creuser dans la viande, de la décortiquer. Alors qu'avec sa vie, il est incapable de faire cela. J'y ai par la suite intégré une histoire d'immigration et de politique liée au monde musulman. J'ai beaucoup puisé dans moi-même pour nourrir le scénario. La relation entre Hedi et son père est proche de ce que j'ai vécu.

Q : Le film est davantage centré sur la communauté musulmane vue de l'intérieur que sur le regard que portent les Québécois de souche sur ce groupe. Qu'en pensez-vous?

R : C'est vrai. Avec ce portrait, j'ai voulu montrer que le monde musulman est complexe. J'ai voulu essayer de briser le regard manichéen qu'on peut avoir sur la communauté. Il y a des conservateurs comme le père, mais aussi des progressistes et des gens qui veulent s'intégrer. Par contre, mon prochain film va balayer plus large. Il va porter sur le thème du racisme à travers une mère porteuse musulmane. Ça va davantage s'intéresser à l'immersion dans la société québécoise.

Q : Vous avez mis cinq ans pour arriver à ce film alors qu'il a beaucoup été question des accommodements raisonnables. Peut-on voir un rapport entre les deux?

R : Pour moi, le «timing» était bon! Alors que j'écrivais mon film, on me disait qu'il était nécessaire. Je ne comprenais pas cette affirmation. Mais je suis arrivé au Québec il y a deux ans, après un long séjour à Toronto, où la communauté artistique est très ouverte au multiculturalisme. Ici, c'est moins évident. D'ailleurs, il me semble que la question des accommodements raisonnables est un sujet riche pour faire un film. Pourquoi personne ne l'a fait? Cela dit, j'espère que mon film, malgré ses lacunes, pourra apporter quelque chose de nouveau. J'espère qu'il va encourager d'autres cinéastes des communautés culturelles à proposer et concevoir leurs projets.

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Aujourd'hui (21h20) et vendredi (19h) au Quartier Latin.