Le magnifique théâtre Elgin, vieux de 100 ans, a été investi par le Toronto Symphony Orchestra (TSO) dimanche pour un événement cinématographique et musical très spécial. À l'occasion de la présentation en primeur mondiale de Visitors, le nouveau poème visuel de Godfrey Reggio, 66 musiciens du TSO étaient sur place pour jouer en direct la (magnifique) partition musicale composée par Philip Glass.

Mais le caractère événementiel de la soirée n'était pas seulement dû à son aspect de projection-concert. Visitors est en effet le premier film que propose Godfrey Reggio en 10 ans, soit depuis Naqoyqatsi, dernier volet d'une trilogie amorcée il y a 30 ans avec Koyaanisqatsi.

Tourné en noir et blanc, Visitors est un film sans paroles, dans lequel le cinéaste filme la vie, principalement à travers des visages humains captés au ralenti. Produit en outre par Phoebe Greenberg, du Centre PHI de Montréal, cet essai est présenté par Steven Soderbergh.

«J'aime toutes les formes d'art cinématographique, confiait le réalisateur de Traffic au cours d'un entretien accordé à La Presse au lendemain de la présentation. D'aussi loin que je me souvienne, je me suis toujours intéressé au cinéma expérimental. Comme j'admire le travail et la démarche de Godfrey, j'ai été honoré de soutenir la présentation de cette oeuvre, si tant est que mon nom puisse aider à attirer l'attention sur elle. Au moment où j'ai été approché, le film était déjà complètement terminé. Je n'ai pas fait partie de l'équipe de production.»

Se tenant en marge du milieu du cinéma, et surtout de son «industrie», Godfrey Reggio peut néanmoins s'appuyer sur un public fidèle partout dans le monde.

Très sensible à la composition de ses images, notamment à la profondeur des noirs dans ce cas-ci, le cinéaste a toutefois vécu un peu difficilement la présence de petites lumières d'appoint dans la salle, lesquelles avaient pour effet d'éclairer un peu l'écran.

«Ça m'a rendu fou pendant 30 minutes!, s'exclame-t-il. Cela dit, c'était beaucoup plus satisfaisant d'entendre un orchestre jouer en direct plutôt qu'une bande préenregistrée. Les instruments ont alors valeur d'imperfection, surtout quand il y a près de 70 musiciens. Cela devient alors incroyablement vivant. Tu sens vibrer ces instruments d'une façon qui ne peut être ressentie dans un enregistrement studio. L'expérience sensorielle devient beaucoup plus réaliste dans son ensemble. À cet égard, le Toronto Symphony Orchestra m'a jeté par terre.»

Alors que son film le plus connu, Koyaanisqatsi, évoquait la folie du rythme de vie dans lequel sont désormais plongés ceux qui habitent dans les grandes villes, Visitors impose au contraire un rythme contemplatif qui incite à la méditation.

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