Hier, le producteur Roger Frappier flottait littéralement sur un nuage. La veille, le remake canadien de La grande séduction, réalisé par Don McKellar, avait été présenté en primeur mondiale lors d'une projection de gala au Roy Thomson Hall, la plus magnifique enceinte en ville. C'est là, en effet, que sont projetées les productions sélectionnées dans la section «Galas», la plus prestigieuse du TIFF.

«Honnêtement, je n'aurais pas pu espérer plus bel accueil, confie le producteur au cours d'un entretien accordé à La Presse. Les 1800 spectateurs ont réagi au quart de tour. Ils ont ri aux éclats, et je crois même qu'ils ont ri davantage que le public francophone devant le film original. J'avoue avoir été surpris, par moments!»

Il ne le dira pas comme cela, mais ce lancement emprunte visiblement les allures d'un grand soulagement pour lui. La production de cette version canadienne a en effet été marquée de plusieurs écueils. Parmi lesquels le départ de Ken Scott. Alors que la réalisation de la version originale avait été confiée à Jean-François Pouliot, celle du remake devait au départ être assurée par le scénariste devenu cinéaste. Or, ce dernier a préféré quitter le navire pour plutôt se consacrer au remake américain de son film Starbuck.

«Les gens dans l'industrie entendent parler de The Grand Seduction depuis trois ans, sans jamais savoir si le projet allait vraiment se concrétiser ou pas. Je crois que la réaction chaleureuse à laquelle nous avons eu droit indique que nous avons eu raison de nous obstiner.»

Une transposition culturelle

Maintenant campée dans un petit village de pêcheurs à Terre-Neuve, l'intrigue de The Grand Seduction est en tous points conforme à celle du film original. À la différence que celle-ci évoque maintenant la culture et l'état d'esprit des habitants de ce lointain coin de pays.

«C'est probablement dans cet aspect que notre version se différencie le plus de la québécoise, précisait d'ailleurs le réalisateur Don McKellar au cours d'une rencontre de presse. Le film original était déjà remarquable, mais notre travail a été de le transposer dans une autre culture.»

The Grand Seduction a d'ailleurs été produit dans le but précis de conquérir des marchés où le film de Jean-François Pouliot, sorti il y a 10 ans, reste pratiquement inconnu. Autrement dit, il a surtout été conçu pour des spectateurs n'ayant aucune référence par rapport à l'original.

«Il est certain que nous visons d'abord le marché canadien-anglais, reconnaît Roger Frappier. L'accueil qu'a obtenu le film dimanche me laisse croire qu'un grand succès est à notre portée. Mais nous visons aussi le marché américain et international. Plusieurs distributeurs ont d'ailleurs envoyé leurs éclaireurs à la projection de gala et je reçois aujourd'hui quantité de demandes de gens qui souhaitent maintenant voir le film. C'est bon signe. Notre stratégie de lancement se précisera une fois qu'un distributeur américain entrera en jeu. Il est certain qu'il ne sortira pas en salle avant l'an prochain.»

Viable au Québec?

Même si The Grand Seduction est clairement destiné à un public anglophone et, plus largement, à un marché «international», le producteur croit tout de même au potentiel commercial du film au Québec.

«Il est évident qu'on n'atteindra jamais les mêmes chiffres que le film original avec ce remake, mais j'estime que le public québécois pourra apprécier. La grande séduction, ça fait 10 ans quand même! Nous comptons en tout cas sortir chez nous The Grand Seduction avec des sous-titres, mais il y aura aussi une version doublée. Je vous l'annonce d'ailleurs en primeur!»

Rappelons que The Grand Seduction met en vedette le grand acteur irlandais Brendan Gleeson (Harry Potter), qui reprend le rôle créé par Raymond Bouchard, Taylor Kitsch (John Carter, Savages), Liane Balaban (Finding Joy) et Gordon Pinsent (Away from Her). Michael Dowse, réalisateur de Goon et de The F Word, cosigne le scénario de ce remake avec Ken Scott.