Esclavage aux États-Unis, soldats britanniques torturés par les Japonais pendant la Seconde Guerre mondiale, apartheid sud-africain: le Festival de cinéma de Toronto a plongé ce week-end dans les atrocités de l'Histoire.

L'un des films les plus marquants est sans doute 12 years a slave du Britannique Steve McQueen, qui signe un troisième opus aussi sophistiqué dans l'image et la bande sonore qu'il est implacable dans la démonstration.

Cinéaste engagé, il avait déjà frappé les esprits à Cannes en 2008 avec Hunger, sur la grève de la faim jusqu'au boutiste de Bobby Sands, leader de l'Armée républicaine irlandaise (IRA), puis à Venise avec Shame, sur la dépendance sexuelle.

«Je voulais faire un film sur l'esclavage. Je voulais voir des images sur ce passé-là», a raconté à la presse Steve McQueen.

«Je n'arrivais pas à avancer quand ma femme m'a apporté le livre 12 years a slave», a-t-il dit. Le livre a été écrit par Solomon Northup, musicien noir de l'État de New York kidnappé en 1841 et vendu comme esclave. Son calvaire durera douze ans.

«Dès que j'ai eu le livre en main, je ne l'ai plus lâché, c'était remarquable. Chaque page était une révélation», a poursuivi le cinéaste qui espère que son film permettra d'ouvrir le débat sur l'esclavage.

Pour l'acteur Chiwetel Ejiofor, qui campe Solomon, «la force de cette histoire c'est qu'elle est racontée à la première personne. C'est un don du passé. Cela ne parle pas de race, mais de dignité humaine, de nos libertés, de ce que nous voulons le plus dans ce monde».

En dépit des humiliations quotidiennes, des maltraitances des propriétaires ou de leurs nervis, Solomon refuse d'abdiquer. Il a une femme et deux enfants et des souvenirs de liberté qui l'aident à tenir autant qu'ils le torturent.

En rentrant chez lui, il demandera pardon à sa famille. «Il y a beaucoup de honte à propos de l'esclavage en Amérique et dans les Caraïbes, mais il n'y a rien à se faire pardonner», a jugé McQueen.

Michael Fassbender, son acteur fétiche, incarne un grand propriétaire tout comme Benedict Cumberbatch (The Fifth Estate). Brad Pitt, qui a financé en partie le film, incarne un charpentier.

Bourreau vivant

Autre livre autobiographique, autre film. The Railway man est basé sur les mémoires d'Eric Lomax, fou de chemins de fer qui se retrouve prisonnier de guerre des Japonais en 1942 sur le chantier du train devant relier la Thaïlande à la Birmanie.

Sur place, le jeune officier découvre l'horreur. Les hommes sont réduits à l'état d'esclaves par des Japonais. Lomax, qui a fabriqué une radio de fortune, sera torturé.

Des dizaines d'années plus tard, à cauchemarder et à se taire, il découvre que celui qu'il pense être son bourreau est toujours vivant. Peut-être l'occasion de se venger.

L'équipe du film signé Jonathan Teplitzsky avec Colin Firth (Oscar du meilleur acteur pour The King's Speech) et Nicole Kidman (Oscar pour The Hours) a travaillé longuement avec le couple Lomax, de la préparation au tournage. Eric Lomax est décédé en octobre 2012 avant que le long métrage soit terminé.

The railway train parle avant tout de ces prisonniers de guerre qui, lorsqu'ils sont rentrés chez eux, se sont murés dans le silence, ruminant leur vengeance, vivant avec leurs fantômes.

L'épouse d'Eric Lomax a souligné devant les journalistes la nécessité pour tous les soldats rentrant aujourd'hui d'Afghanistan ou d'Irak «de bénéficier d'une vraie aide pour eux-mêmes et leurs familles, ce sans quoi le traumatisme vécu impactera toute leur vie».

«Les centres spécialisés sont persuadés qu'écrire aide à le dépasser», a-t-elle ajouté. Eric Lomax a publié son livre seulement au milieu des années 90.

Les festivaliers ont enfin pu découvrir Mandela: long walk to freedom, fresque qui raconte le destin exceptionnel de Nelson Mandela, de son enfance jusqu'à son investiture à la présidence de l'Afrique du Sud. L'équipe du film doit tenir une conférence de presse dimanche.