Des nouvelles de Cannes en bref.

RENDEZ-VOUS AVEC CHRISTOPHER NOLAN

LA COHUE

De mémoire de festivalier, nous n'avions pas vu si grande cohue depuis fort longtemps à Cannes. Programmée dans la salle Buñuel, située au 5e étage du Palais des festivals, la leçon de cinéma de Christopher Nolan a failli provoquer une émeute à l'entrée, tant les places étaient limitées. Cela dit, cette discussion avec le cinéaste britannique, à laquelle a notamment assisté Denis Villeneuve, fut passionnante. Pendant plus de 90 minutes, le réalisateur de Dunkirk a passé en revue sa filmographie, expliqué le combat qu'il mène avec d'autres collègues - Paul Thomas Anderson et Quentin Tarantino notamment - pour maintenir le choix de tourner sur pellicule plutôt qu'en numérique. Christopher Nolan présentera aujourd'hui une projection de 2001 : l'odyssée de l'espace dans une version 70 mm toute neuve, à l'occasion du 50e anniversaire de la sortie du chef-d'oeuvre de Stanley Kubrick. « J'avais 7 ans quand j'ai vu ce film pour la première fois, car, grâce au succès de Star Wars l'année précédente, le film de Kubrick avait repris l'affiche au Leicester Square, le plus grand cinéma de Londres. Mon père m'y avait emmené. J'aimerais que, grâce à cette nouvelle copie 70 mm, les nouvelles générations puissent ressentir le même plaisir que j'ai eu en découvrant ce film il y a 40 ans. »

LES ÉTERNELS (JIANG HU ER NV)

(EN COMPÉTITION)

PAS DU MEILLEUR CRU...

Fidèle à son habitude, Jia Zhangke propose un film dans lequel il observe les profonds bouleversements ayant marqué récemment la société chinoise, cette fois à travers le regard d'une femme ayant frayé avec la petite pègre de sa localité. Tao Zhao, la muse du cinéaste, se glisse dans la peau d'une femme qui tire son épingle du jeu dans un monde d'hommes et qui ne s'en laisse guère imposer par la fratrie mafieuse dans laquelle elle évolue. Cette battante tombe cependant amoureuse du chef de la bande et vivra avec lui une histoire tumultueuse, de laquelle fait notamment partie une peine d'emprisonnement d'une durée de cinq ans, qu'elle purge pratiquement à la place d'un homme qu'elle n'a pas voulu dénoncer. Ce dernier ne l'a toutefois pas attendue. 

Un peu à la manière d'Au-delà des montagnes, son précédent film, Jia Zhangke divise son récit en trois temps, en empruntant un rythme lent, parfois quasi contemplatif, pour raconter un récit s'étalant de 2001 à 2018. Les admirateurs de son cinéma retrouveront ainsi un style familier, mais force est de reconnaître que, malgré la magnifique performance de Tao Zhao, Les éternels n'est pas du meilleur cru.

Concourant une cinquième fois pour la Palme d'or, le cinéaste chinois, lauréat d'un Lion d'or à la Mostra de Venise en 2006 grâce au remarquable Still Life, a obtenu ici en 2013 le prix du meilleur scénario pour A Touch of Sin.

Photo fournie par le Festival de Cannes

Avec Les éternels, Jia Zhangke observe les profonds bouleversements ayant marqué récemment la société chinoise à travers le regard d'une femme ayant frayé avec la petite pègre de sa localité.

LE MONDE EST À TOI

(À LA QUINZAINE)

ISABELLE ADJANI ET VINCENT CASSEL, À COEUR JOIE

Voilà sans contredit le film le plus jubilatoire de la journée. Le monde est à toi, deuxième long métrage de Romain Gavras (Notre jour viendra), met en outre en vedette Isabelle Adjani et Vincent Cassel qui, l'une comme l'autre, proposent ici une facette différente de leur personnalité d'actrice et d'acteur. En mère délinquante éprouvant un amour possessif pour son fils, l'actrice s'amuse ici beaucoup, d'autant qu'elle a l'occasion de se composer une allure excentrique qu'elle arbore avec panache. De son côté, Vincent Cassel traduit à merveille le questionnement d'un être un peu simplet, enclin à croire fermement toutes les théories conspirationnistes. Les vétérans entourent Karim Leklou, le fils en question, une bonne pâte tiraillée entre son désir de fonder une entreprise légalement et les activités louches de son entourage grâce auxquelles il pourrait se financer. Cette comédie, très réussie, fait parfois penser à ces films britanniques - on pense notamment à Snatch - où l'on utilise un milieu de petits criminels pour mieux distiller un humour formidable. Et puis, on y entend même Aimer d'amour de Boule noire dans l'une des scènes les plus marrantes du film. À la toute première projection d'hier matin, les festivaliers ont réservé à l'équipe une ovation de plusieurs minutes, bien méritée. Souhaitons qu'un distributeur de chez nous s'y intéresse.

Photo fournie par la Quinzaine des réalisateurs

Dans Le monde est à toi, Vincent Cassel traduit à merveille le questionnement d'un être un peu simplet, enclin à croire fermement toutes les théories conspirationnistes.