Onze ans après Les chansons d'amour, Christophe Honoré a de nouveau monté les marches afin de présenter en compétition Plaire, aimer et courir vite, une histoire d'amour conjuguée au masculin. De fait, les films abordant des thèmes liés à la communauté LGBTQ sont plus nombreux à Cannes cette année, à commencer par Rafiki, ce drame lesbien kényan, frappé d'une interdiction dans son propre pays.

L'an dernier, 120 battements par minute fut le grand coup de coeur du festival et le Grand Prix lui fut attribué. Il appert qu'un an plus tard, l'histoire de Plaire, aimer et courir vite, le nouveau film de Christophe Honoré, présenté hier soir en compétition, se déroule aussi à l'époque de la crise du sida, au début des années 90. 

Est-ce un simple fait du hasard ou un clin d'oeil assumé? L'approche qu'emprunte le réalisateur des Chansons d'amour est cependant bien différente de celle de Robin Campillo, dans la mesure où le récit est pratiquement exempt de tout militantisme et où les personnages n'ont pas de combat social à mener. On préférera ici évoquer subtilement le contexte dans lequel les malades atteints du sida devaient composer avec l'indifférence ambiante.

Revoir sa jeunesse

Pierre Deladonchamps (L'inconnu du lac, Le fils de Jean) interprète Jacques, un écrivain de 35 ans qui enchaîne les aventures, tout en prenant soin d'un ancien conjoint mourant (Thomas Gonzalez). Étant séropositif lui-même, l'homme ne souhaite guère se commettre dans une nouvelle relation amoureuse, mais il fait face malgré lui à son choix le jour où il rencontre Arthur (Vincent Lacoste), un lecteur dans la jeune vingtaine, en qui il se reconnaît parfaitement, et à travers qui il revoit sa propre jeunesse. Le joli titre fait écho à une histoire d'amour sur laquelle pèse une condamnation à mort à brève échéance.

Christophe Honoré propose ici un film vibrant, truffé de scènes magnifiquement composées.

On retiendra notamment la première rencontre entre Jacques et Arthur dans un cinéma de Rennes, alors que leurs têtes en ombres chinoises se juxtaposent aux images de La leçon de piano. Sur le plan formel, Plaire, aimer et courir vite est une splendeur, d'autant que les références et les clins d'oeil, tant sur le plan littéraire que cinéphile, se font nombreux.

Sur le plan du récit, c'est toutefois autre chose. Certaines scènes se révèlent bouleversantes, mais on a parfois l'impression que le cinéaste s'éparpille un peu. Son parti pris d'aller jusqu'au bout d'une scène, quitte à l'allonger inutilement, ne donne pas toujours non plus les meilleurs résultats. Pierre Deladonchamps offre cependant une composition remarquable, qui pourrait bien être remarquée du jury.

Un petit film modeste et sincère

On compte une quinzaine de films abordant des thèmes liés à la communauté LGBTQ à Cannes cette année, soit deux fois plus que l'an dernier. Ils sont tous en lice pour la Queer Palm, dont le jury est présidé par la productrice Sylvie Pialat. À l'Agence France-Presse, Christophe Honoré a déclaré que la sexualité des personnages ne devait pas obligatoirement induire une identité particulière aux films.

«C'est quelque chose qu'il faut dépasser. Quand il s'agit de la sexualité du plus grand nombre, cette question ne se pose pas alors qu'on la pose face à une histoire d'amour entre deux hommes», a-t-il dit.

Cela dit, l'actualité nous rappelle tristement que l'orientation sexuelle d'un individu peut être encore criminellement sanctionnée dans de nombreux pays. Par exemple, le Kenya.

On a fait grand cas ici de la présence en sélection officielle, dans la section Un certain regard, du film Rafiki (Amie), un drame kényan dans lequel deux jeunes femmes amoureuses l'une de l'autre sont ostracisées par toute une communauté. La réalisatrice Wanuri Kahiu a en effet appris, avant même la première mondiale de son film à Cannes, que son film était censuré chez elle, pour cause «d'apologie de l'homosexualité».

Forcément, tous les projecteurs se sont braqués sur ce petit film modeste et sincère, qui se distingue cependant davantage par son impact social que par ses qualités cinématographiques. 

En faisant de ces amoureuses les filles de deux adversaires politiques en campagne électorale, le symbolisme se fait un peu lourd. Et si la violence de l'effet de meute est bien illustrée, force est de constater que le dénouement à l'eau de rose reste bien peu crédible dans le contexte.

«L'homosexualité est de moins en moins le thème principal des films LGBT, a de son côté déclaré Sylvie Pialat à l'AFP. Alain Guiraudie, que je produis, a été l'un des premiers à défendre des personnages à part entière au-delà de leur orientation sexuelle. S'il y a autant de films LGBT à Cannes cette année, c'est tout simplement le reflet de la vie.»

Photo fournie par le Festival de Cannes

Rafiki (Amie) est un drame kényan dans lequel deux jeunes femmes amoureuses l'une de l'autre sont ostracisées par toute une communauté.