La création de la Quinzaine des réalisateurs est liée à quelques-unes des images les plus mythiques du Festival de Cannes. Oserait-on imaginer aujourd'hui des cinéastes se pendre à un rideau pour empêcher une projection officielle afin d'exprimer leur solidarité avec la classe étudiante? Retour sur une section parallèle qui, aujourd'hui, entamera sa 50e édition, toujours en marge de la sélection officielle.

Même si la première édition de la Quinzaine des réalisateurs remonte à 1969, la création de la deuxième section parallèle du Festival de Cannes (la Semaine de la critique a été fondée en 1962) est directement liée à l'écho qu'ont eu les événements de mai 1968 sur la Croisette.

Le 21e Festival de Cannes s'est ouvert le 10 mai 1968. Il a été interrompu neuf jours plus tard, sous la pression de réalisateurs qui trouvaient scandaleux qu'on puisse poursuivre l'événement alors que les mouvements étudiants et ouvriers descendaient dans la rue pour revendiquer plus de justice sociale.

Au premier rang des cinéastes contestataires: François Truffaut et Jean-Luc Godard, appuyés par plusieurs jeunes camarades de l'époque, Claude Berri et Claude Lelouch, notamment. En soutien au mouvement, plusieurs réalisateurs sélectionnés ont annoncé le retrait de leur film de la compétition. C'est le cas de Milos Forman, venu présenter Au feu les pompiers !. Alain Resnais, sélectionné grâce à Je t'aime, je t'aime, a fait de même. 

Le cinéaste espagnol Carlos Saura, venu lancer Peppermint frappé, s'est carrément agrippé au rideau afin d'empêcher la projection de son propre film, aidé en cela par Geraldine Chaplin et Jean-Luc Godard. Monica Vitti, Roman Polanski et Louis Malle ont démissionné du jury afin d'appuyer le mouvement de contestation. Le lendemain de cette foire d'empoigne, le délégué général, Robert Favre le Bret, a annoncé l'annulation du festival, six jours avant le jour de la clôture. Aucun prix n'a été décerné cette année-là.

«Je vous parle solidarité avec les étudiants et les ouvriers, et vous me parlez travelling et gros plans. Vous êtes des cons!», déclarait Jean-Luc Godard.

L'année suivante, sous l'égide de la Société des réalisateurs de films, s'est tenue la toute première Quinzaine des réalisateurs, dont le mandat est de présenter des films venus de partout, souvent réalisés par des cinéastes inconnus. Du cinéma libre, contemporain. Dans le texte de présentation qu'a signé Édouard Weintrop, directeur actuel de la Quinzaine, à l'occasion de la reprise intégrale de la première édition à la Cinémathèque française, on signale évidemment l'apport de Pierre-Henri Deleau, jeune cinéphile de 26 ans qui, à l'arrivée, aura dirigé la Quinzaine pendant 30 ans. C'est dans cette section qu'ont notamment été révélés des cinéastes de la trempe de Spike Lee, Michael Haneke, les frères Dardenne et Ken Loach. 

Une bonne représentation du cinéma québécois

La Quinzaine des réalisateurs a toujours manifesté un intérêt envers le cinéma québécois, mais jamais autant qu'au cours de la première décennie de son existence. En 1969, pas moins de cinq longs métrages de chez nous ont été sélectionnés. L'année suivante? Quatre!

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Le 21e Festival de Cannes s'est ouvert le 10 mai 1968. Il a été interrompu neuf jours plus tard, sous la pression de réalisateurs qui trouvaient scandaleux qu'on puisse poursuivre l'événement alors que les mouvements étudiants et ouvriers descendaient dans la rue pour revendiquer plus de justice sociale.

En 2003, la présentation de La grande séduction (Jean-François Pouliot) à la Quinzaine a été très bénéfique pour la carrière du film, particulièrement en France.

À ce palmarès, il ne faudrait évidemment pas oublier la naissance d'un cinéaste nommé Xavier Dolan. Sélectionné à la Quinzaine en 2009, J'ai tué ma mère a été le film-phénomène cette année-là sur la Croisette.

Le sujet, seule entrée québécoise en 2018

C'est à la Quinzaine que nous retrouverons cette année la seule sélection québécoise du 71e Festival de Cannes. Le sujet, un court métrage d'animation de Patrick Bouchard, aura droit à une présentation sur la Croisette le 17 mai. Ce film, produit par l'Office national du film, relate l'histoire d'un animateur qui fouille dans son propre corps pour en extraire des souvenirs.

En 1982, Jean-Pierre Lefebvre obtenait le prix de la critique internationale remis à un film hors compétition grâce à son très beau film Les fleurs sauvages. Quatre ans plus tard, Denys Arcand a remporté exactement le même prix grâce au Déclin de l'empire américain, un film qui lui a valu une renommée internationale.

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Le cinéaste Jean-Luc Godard (à droite) et des camarades artistes marchent en compagnie des membres du Syndicat des acteurs, le 29 mai 1968 à Paris.