Comment bat le pouls de l'Amérique de Donald Trump? Pas très fort à en croire plusieurs films présentés à Cannes, dépeignant une société qui a vu ses rêves de grandeur s'évanouir et sombrer dans une dure réalité, avant même l'élection du milliardaire.

Parmi les oeuvres projetées dans les différentes sections, le documentaire Promised Land (hors compétition) d'Eugene Jarecki tend à expliquer les raisons «de la mort du rêve américain».

Le réalisateur montre comment son pays a connu la même trajectoire que son idole Elvis Presley, ce gamin issu de la campagne, devenu un mythe de la culture populaire américaine, et qui a fini par s'autodétruire. «Mort obèse, sur ses toilettes, à 42 ans», comme le résume un des intervenants du film, l'acteur Ethan Hawke.

Cette Amérique, qui vient de donner les clés de la Maison-Blanche à Donald Trump, Jarecki l'a parcourue en 2016 pendant la campagne présidentielle. Dans la Rolls Royce qui a appartenu au King, il a sillonné les routes, de Tupelo (Mississippi) à Memphis, en passant par New York, Los Angeles, Las Vegas, en suivant les grandes étapes de la vie de Presley, disparu il y a 40 ans.

«L'Amérique est devenue un "Elvis obèse" («a fat Elvis»), explique à l'AFP Jarecki. On était beau et on est allé très haut, trop vite. Puis la vie est devenue trop facile, on est devenu dépendant de tout. C'est pour cela que la métaphore avec Elvis m'est venue».

Laissés pour compte

Dans ce road-movie, Jarecki fait parler anonymes et célébrités, comme Chuck D, leader du groupe de hip hop Public Enemy, et David Simon, le créateur des séries The Wire et Treme. Tous pointent les raisons économiques, sociales de ce déclin, également lié à un appauvrissement culturel.

Dans Mobile Homes (Quinzaine des réalisateurs), le Français Vladimir de Fontenay évoque l'Amérique des laissés pour compte, à travers l'histoire d'une jeune femme et de son enfant qui vont de motels en maisons inoccupées pour trouver refuge à la frontière canadienne.

L'Amérique comme terre d'opportunités n'est plus qu'une illusion. L'enfant de 8 ans ne va pas à l'école, il n'est éduqué que par sa mère (Imogen Poots) qui lui apprend comment partir sans payer au restaurant.

Dans The Rider (Quinzaine des réalisateurs), la réalisatrice Chloe Zhao filme le monde du rodéo dans le Dakota du Sud, un État qui a voté pour Trump.

Brady, incarné par un vrai vacher, Brady Jandreau, doit abandonner son rêve de devenir professionnel après un accident qui a failli lui coûter la vie. Il veut s'en sortir et ne surtout pas finir comme son père, qui a sombré dans l'alcoolisme et le poker, dilapidant l'argent qui doit permettre de soigner sa soeur handicapée mentale.

«Appel au secours»

«Beaucoup de jeunes cowboys n'ont pas voté pour Trump, contrairement à leurs parents», affirme la réalisatrice américaine d'origine chinoise à l'AFP. «Beaucoup de personnes généreuses, travailleuses, que j'ai rencontrées ne voulaient pas vraiment voter pour lui, mais l'ont quand même fait».

L'Amérique dépeinte par Zhao est très éloignée de ce qu'elle appelle l'idéal de «la palissade blanche» des quartiers aisés, mais elle dit ne pas vouloir montrer un pays dénué d'espoir. «Ce que j'aime aux États-Unis ce n'est pas le rêve américain, mais cette volonté de continuer de rêver même si ces rêves sont brisés.»

Eugene Jarecki se veut également positif. «Trump est un appel au secours lancé par l'Amérique», dit-il.

«Ça fait seulement une centaine de jours qu'il est en fonction et il est contesté par la presse, par des centaines de milliers, des millions de personnes. La justice s'élève contre Trump. C'est ça la base du rêve américain», clame-t-il.

L'Amérique n'a pas fini d'inspirer ses cinéastes. Michael Moore, palmé en 2004 pour Fahrenheit 9/11, son documentaire à charge contre George W. Bush après les attentats du 11 septembre 2001, va lui aussi s'attaquer à Trump. Le film s'intitule Fahrenheit 11/9, référence à la date de proclamation des résultats de la dernière élection présidentielle américaine.