Ils sont désormais des «habitués» de la Croisette. Le mot fait sourire les deux jeunes cinéastes québécois Philippe David Gagné et Jean-Marc E. Roy, qui présenteront vendredi leur deuxième court métrage en trois ans au Festival de Cannes.

Leur charmant film de 21 minutes, Crème de menthe, tourné au Saguenay, fait partie de la dizaine de courts métrages sélectionnés dans le cadre de la Quinzaine des réalisateurs, section parallèle du Festival.

«On nous a dit qu'on faisait partie de la famille. Les festivals aiment "faire naître" des cinéastes. On s'entend qu'avec nos courts métrages, on n'est pas encore nés, même si on a la tête sortie!», dit Philippe David. «On est en train de percer le placenta», ajoute Jean-Marc. «Et moi, je suis un siège!», ironise Philippe David. Deux sympathiques garçons, rencontrés hier près de la plage, au pavillon du Québec.

Crème de menthe est l'histoire à la fois drôle et touchante d'une jeune femme (Charlotte Aubin) chargée de vider la maison de son père en moins de 10 jours, après son décès. Un père atteint de syllogomanie, c'est-à-dire qui accumulait compulsivement quantité d'objets de peu de valeur (c'était un hoarder, comme on en voit dans les téléréalités américaines).

Le film, qui met aussi en vedette Macha Limonchik et Fred-Éric Salvail, s'intéresse au deuil et à la transmission. «À ce qui reste, aux traces d'une relation avec quelqu'un», dit Jean-Marc E. Roy.

«On trouvait intéressante la quête de sens et de filiation. Que reste-t-il de nos amours finalement?», note Philippe David Gagné.

C'est un film sur le respect de la mémoire, ajoute le cinéaste, qui a lui-même perdu sa mère il y a quelques années. «Je vais faire une métaphore très grossière, et très québécoise, mais c'est comme distiller du sirop d'érable. On part d'une grande quantité qu'on fait bouillir pour ne conserver que l'essentiel. C'est un peu ce qu'on fait avec les souvenirs d'une personne qui meurt.»

Leur précédent court métrage, Bleu tonnerre, avait aussi été présenté à la Quinzaine des réalisateurs, en 2015. «La première sélection, c'était comme une validation de notre travail, dit Philippe David. Cette fois-ci, c'est plus une confirmation.»

Pourquoi Crème de menthe? «Parce que c'est une icône de la pop culture canadienne-française des années 70 », dit Jean-Marc, en revendiquant le parti pris «nostalgique» et «analogique» de son film. «Y a-t-il un autre film contemporain dans lequel on ne voit pas de téléphone cellulaire en 2017?», demande-t-il.

Les deux cinéastes saguenéens, qui travaillent ensemble depuis 2008, projettent de réaliser leurs premiers longs métrages séparément. Alors que Philippe David Gagné est en attente de financement pour un film de fiction, Jean-Marc E. Roy devrait tourner à l'automne, financement ou pas, un documentaire sur et avec le cinéaste André Forcier, qu'il côtoie depuis une douzaine d'années. Parions que cette deuxième sélection cannoise ne nuira pas à la réalisation de leurs projets futurs.

Photo David Boily, Archives La Presse

Philippe David Gagné et Jean-Marc E. Roy présenteront vendredi leur deuxième court métrage en trois ans au Festival de Cannes.