Voici cinq moments qui ont marqué le 69e Festival de Cannes selon notre journaliste Marc-André Lussier.

Le bonheur de Julia

De nombreuses stars hollywoodiennes se sont prêtées au jeu cannois cette année. Aucune n'était toutefois aussi attendue que Julia Roberts. Venue sur la Croisette pour lancer Money Monster, un film de Jodie Foster inscrit hors compétition, l'actrice était visiblement ravie d'être là. Ce bonheur contagieux s'est poursuivi quand, sans doute pour faire un clin d'oeil à la « polémique » de l'an dernier, alors que des femmes avaient été refoulées du tapis rouge pour cause d'absence de talons hauts, l'impériale Julia a décidé de monter les marches pieds nus...

La déconfiture de Sean

Jamais n'avions-nous assisté à une telle déchéance. Dès le prologue, The Last Face, le nouveau film de Sean Penn à titre de réalisateur, laissait craindre le pire alors qu'à l'écran, on évoquait les guerres au Liberia et au Soudan du Sud pour dire que « la brutalité de ces conflits » est « comparable seulement pour l'Occident à celle d'un amour impossible ». Et le pire est survenu. Penn a été cloué au pilori pour avoir amené à Cannes un film indéfendable sur tous les plans. On se souviendra longtemps de la gueule de dépit que le cinéaste a affichée en entrant dans la salle des conférences de presse après une première projection désastreuse. Reconnaissons-lui le courage de s'y être présenté quand même.

Whitney Houston par Sandra Hüller

Les journalistes ont spontanément applaudi de bonheur à la fin d'une scène d'anthologie de Toni Erdmann. Dans cette comédie dramatique allemande, signée Maren Ade, le personnage qu'interprète Sandra Hüller doit timidement, sur l'insistance de son père, se lancer dans une interprétation de Greatest Love of All, l'un des premiers tubes de Whitney Houston. Nous n'en sommes toujours pas remis. Pour le meilleur ou pour le pire, cette chanson, en plus, ne nous quitte plus. De l'avis général, Toni Erdmann est l'un des grands oubliés du palmarès.

L'émotion de Xavier

Sans être aussi violent que celui qu'a obtenu Sean Penn, l'accueil reçu par Juste la fin du monde après la projection destinée à la presse n'était guère encourageant. Descendu en flammes par les publications américaines influentes (Variety, The Hollywood Reporter, etc.), le film de Xavier Dolan a eu du mal à se remettre en selle, malgré des critiques plus conciliantes en France et ailleurs dans le monde. Le cinéaste n'avait d'ailleurs pas caché sa déception auprès des journalistes québécois lors d'une rencontre jeudi. Or, le vent a quand même réussi à tourner de façon spectaculaire. D'où l'émotion tangible qui animait le cinéaste hier sur la scène du Théâtre Lumière. On n'oubliera pas ça de sitôt.

L'indépendance d'Isabelle

L'une des (nombreuses) qualités d'Elle, le nouveau film de Paul Verhoeven, est de nous donner l'occasion de voir une performance grandiose d'Isabelle Huppert. Dans la peau d'une femme de carrière qui mène sa vie - autant que ses rapports avec les gens - à sa manière, l'actrice est tout simplement éblouissante. S'éloignant de toute notion de rectitude politique, le récit fait aussi honneur à la nature indépendante d'une femme qui refuse d'obéir aux codes sociaux habituels, même après avoir été victime de viol. « Elle n'est pas un objet, a expliqué l'actrice lors d'une conférence de presse. Elle ne souffre pas non plus de la situation. Elle n'est pas une victime. »