Dans Baccalauréat, en compétition jeudi à Cannes, le cinéaste Cristian Mungiu sonde avec acuité les  compromissions et la corruption dans la société roumaine à travers l'histoire d'un père, prêt à tout pour que sa fille puisse entrer à l'université.

Bien accueilli sur la Croisette, ce nouveau film du réalisateur de 4 mois, 3 semaines, 2 jours», Palme d'or à Cannes en 2007, s'intéresse aux dilemmes moraux de Romeo, la cinquantaine

Médecin dans une petite ville de Transylvanie, cet homme rêve de voir sa fille entrer dans une université anglaise. Il voit son projet sur le point de se concrétiser, Eliza n'ayant plus qu'à réussir son bac avec une bonne moyenne pour y accéder.

Mais, alors qu'elle se rend au lycée, la jeune fille se fait agresser. Bouleversée et blessée, elle ne semble plus en état de réussir son examen. Romeo va alors mettre tout en oeuvre pour qu'elle ait les notes escomptées, cédant à la corruption au mépris de tous ses principes.

Avec cette histoire dominée par les questions morales, le cinéaste de 48 ans, en compétition pour la troisième fois à Cannes - où il avait reçu aussi le prix du scénario pour Au-delà des collines en 2012 -, dit «parler beaucoup bien sûr de la corruption en Roumanie».

Mais, au-delà de ce sujet, «dans mon film, je voulais poser la question du lien possible entre corruption dans la société et compromission» des individus avec leurs principes, a-t-il ajouté lors d'une conférence de presse.

«Anxiété sociale»

Lui-même père de deux enfants, Cristian Mungiu explique avoir aussi voulu dans ce film «parler des gens de sa génération, et de l'un des problèmes les plus importants que l'on peut avoir comme parents à cet âge là, décider exactement quoi dire à nos enfants, quel discours moral tenir avec eux».

«J'ai voulu faire un film sur la relation entre les enfants, les parents et la vérité», a-t-il souligné.

Jamais démonstratif, formellement très maîtrisé, ce film tourné en plans séquence bénéficie aussi de l'interprétation très juste de son acteur principal, Adrian Titieni (Le Chêne, La Mort de Dante Lazarescu). Il donne toute sa complexité au personnage de Romeo, écartelé entre sa volonté d'aider sa fille et ses principes, se retrouvant pris dans un engrenage qu'il ne maîtrise plus.

Avec ce film, Cristian Mungiu dit aussi avoir voulu «parler de quelqu'un qui se sent coupable, qui ressent cette anxiété très présente dans la société elle-même» en Roumanie.

«Je ne suis pas vraiment très optimiste en ce moment», a-t-il ajouté. «En Roumanie, il y a une sorte d'anxiété sociale et de dépression qui vient du fait que beaucoup de choses ne sont pas encore résolues», a-t-il dit.

«Peut-être que nous avons fait un grand progrès si on regarde la situation en Roumanie d'un point de vue historique. Mais on ne peut pas attendre encore cinquante ans pour voir si la direction est bonne ou pas. Pour nous c'est déjà trop tard (...). Mais pour nos enfants, ce n'est pas clair», a-t-il regretté.