À la sortie de la toute première projection du nouveau film de Xavier Dolan, destinée aux journalistes, les avis n'étaient pas tièdes. Palme d'or pour les uns, daube pour les autres, Juste la fin du monde est l'anti-Mommy. Et ne fera pas l'unanimité. Les principaux artisans du film ont d'ailleurs répondu jeudi aux questions des journalistes quelques heures après sa présentation en compétition pour la Palme d'or au Festival de Cannes.

Quand le générique de fin de Juste la fin du monde est monté à l'écran, quelques applaudissements se sont fait entendre. Quelques sifflets épars aussi. Le tout s'est tu très vite. Et le reste du générique a défilé dans un silence assez lourd. À l'évidence, l'élan affectif spontané qui s'était emparé des festivaliers il y a deux ans pour Mommy ne sera pas reconduit. Du moins, pas de la même façon.

Jusqu'ici, le film du Québécois Xavier Dolan a donc reçu un accueil mitigé de la part des critiques et des gens qui y ont assisté ayant été invités à s'exprimer au sortir de la projection.

Le jeune réalisateur a dit, jeudi, espérer que le temps vaudra des éloges à son film, le meilleur qu'il ait fait, a-t-il dit. En réponse aux journalistes, il a souligné qu'historiquement, à Cannes, les critiques étaient toujours partagées.

Les journalistes qui ont eu la chance d'assister à la toute première projection du nouveau film de Xavier Dolan, en lice pour la Palme d'or, ont néanmoins semblé déroutés par ce huis clos familial étouffant, qui se distingue grâce à une mise en scène précise et rigoureuse.

L'ART DU SOUS-TEXTE

La langue de Jean-Luc Lagarce, auteur de la pièce dont ce film est l'adaptation, est très particulière, il est vrai. Elle se matérialise parfois en un flot de paroles que Xavier Dolan, fidèle à son style, transforme en feu d'artifice. Mais au-delà de ces dialogues qui maquillent ce que les personnages n'osent jamais se dire, le cinéaste a le don de faire parler le sous-texte de façon encore plus éloquente. Les non-dits s'y révèlent de façon subtile et émouvante.

Souvent cadrés en gros plans, les personnages baignent dans un clair-obscur dans lequel les regards sont admirablement filmés. L'as directeur photo André Turpin signe une fois de plus de sublimes images.

Gaspard Ulliel offre l'une de ses meilleures compositions en se glissant dans la peau de Louis, un jeune écrivain à succès qui, après 12 ans d'absence, revient à la maison familiale pour annoncer à ses proches, peut-être, sa mort imminente.

Le récit est construit de telle sorte qu'aux séquences collectives, dans lesquelles figurent les cinq personnages, s'ajoutent des scènes où chacun des proches se retrouve seul avec Louis. Elles se posent comme autant de moments forts, intimes, que Louis doit gérer à sa façon, tout en finesse. Une mère extravagante (Nathalie Baye, excellente malgré le look impossible que lui a dessiné le cinéaste), une soeur impétueuse (Léa Seydoux, intense), un frère colérique (Vincent Cassel, qui d'autre ?), sans oublier la belle-soeur discrète, alliée immédiate dont la présence se révèle essentielle (Marion Cotillard, parfaite comme toujours).

En conférence de presse jeudi, Mme Cotillard a été très élogieuse au sujet de Xavier Dolan, soulignant notamment qu'il donnait beaucoup aux acteurs et qu'en retour, ceux-ci étaient portés à tout lui donner. Elle a ajouté que d'oeuvrer aux côtés du cinéaste âgé de 27 ans avait été une belle expérience humaine pour elle.

PAS LA FACILITÉ

Même si la trame musicale de Gabriel Yared amène les élans de lyrisme auxquels Dolan nous a habitués dans son cinéma, Juste la fin du monde n'appelle pas le genre d'émotion viscérale qui vous frappe en plein dans le plexus. À cet égard, Xavier Dolan n'a pas choisi la facilité en proposant un film très différent de Mommy, auquel ce drame familial sera inévitablement comparé.

- Avec La Presse Canadienne